Nuage de l’Anémone rentrait au camp avec la patrouille de nuit. La rouquine se faufilait entre les buissons et quand elle rentra au camp, elle dit au revoir aux guerriers qu’elle accompagnait puis, une fois à l’abri des regards, elle en ressortit immédiatement. Pourquoi ? Parce qu’on lui avait conseillé de se reposer en cette fin d’après-midi, pour être en forme pour cette patrouille nocturne qui s’annonçait plutôt longue. Ce que la novice fit. Et résultat, maintenant que la lune était bien haute dans le ciel, elle était en pleine forme, sans l’envie de dormir.
C’est pourquoi elle avançait, furtivement, vers un lieu dont elle avait beaucoup entendu parler. La Cascade aux Lucioles. Elle avait entendu dire que cet endroit, la nuit, était magnifique et habité de mille et une lucioles. Sa curiosité poussée à bout, elle se dirigeait furtivement vers ce lieu qui s’annonçait féerique. Quand elle y arriva, elle ne fut pas déçue.
Une magnifique chute d’eau, éclairée par la lumière lunaire, mais surtout, parce des centaines de ces petites bestioles brillantes. Un grand sourire apparut sur le visage de Nuage de l’Anémone qui semblait être retournée en enfance. Le clapotis de l’eau l’apaisait et cette vision magique ne pouvait que lui faire le même effet. C’était la première fois qu’elle venait ici de nuit, et c’était vraiment impressionnant pour elle. L’apprentie s’approcha de sa rive. Et regarda de l’autre côté. Soudain elle se rappela. Là bas, c’était les terres du clan des Océans. Elle hocha les épaules et s’approcha plutôt de l’eau qui s’écoulait à quelques mètres à sa droite.
Le pas léger, elle y alla. Mais elle fut stoppée dans sa course quand elle perçut du mouvement de l’autre côté de l’eau. Nuage de l’Anémone s’aplatit au sol. Si c’était un adulte –même d’un autre clan-, elle aurait sans doute des problèmes. Immédiatement, et sans plus de bruit, elle se rendit à reculons derrière un buisson touffu et observa le nouveau venu qui arrivait. De ce qu’elle voyait d’ici, le félin des Océans ne semblait pas être adulte. Un fin sourire s’étira sur les babines de la novice. Ce serait sûrement amusant alors !
Nuage de l’Anémone sortit alors de sa cachette et vint se planter au bord de l’eau. Ses yeux ambrés enflammés regardaient fixement le matou qui venait d’arriver. Elle ne disait rien et ne bougeait pas, attendant que ce soit lui qui commence la discussion qui était inévitable.  


(Bon, j'ai fait un peu freestyle pour les frontières, j'espère que ça va :p )

Nuage de l’Anémone pouvait peut-être passer pour une femelle immature et puérile, mais ça l’amusait. Assise bien droite, elle ne lâchait pas l’apprenti adverse sur l’autre rive. Un peu éblouie par les lucioles, elle ne pouvait pas bien détailler le matou. Elle pouvait voir sa couleur et sa carrure. C’était tout. Un beau pelage luisant, bien qu’il soit de couleur sombre. Brun tigré hasarderait la rouquine. À vrai dire, elle le voyait à peine tant il se confondait dans le paysage. Elle voyait aussi un peu ses yeux, brun-ambré d’ici. Et quoi qu’il en soit, il ne semblait pas amical.
L’apprentie des Marais ne le lâchait pas une seconde des yeux, même quand l’eau froide de la cascade venait lui lécher le bout des pattes. Plus elle le regardait, plus elle sentait que son petit manège ne mènerait à rien. Nuage de l’Anémone le voyait la toiser avec indifférence, comme s’il se jouait d’elle. Elle n’aimait pas ça mais ne comptait pas se laisser faire. Un petit rire contenu lui échappa quand elle vit que l’autre commençait à faire sa toilette. Il n’avait franchement que ça à faire ?
Un peu agacée quoique pas moins découragée, la rouquine repéra un large galet qui sortait de l’eau. Rapidement et dans un bond silencieux et élégant elle sauta dessus et reprit sa position précédente. La queue enroulée entre les pattes, ses yeux ambrés vifs, elle cherchait à attirer l’attention du matou. Peut-être réagirait-il un peu plus en sachant que Nuage de l’Anémone pouvait venir sur son territoire à tout moment. Mais elle ne le ferait bien sûr pas. Et puis … Là, elle était bien au centre de la rivière, sur sa pierre. Elle n’était donc chez personne non ? Elle soutint son regard sans fléchir, en espérant qu’il pose enfin son regard sur elle. En tout cas, elle était bien partie pour ne pas parler tout de suite. Si elle avait décidé de ne rien dire, et bien qu’il en soit ainsi.
Nuage de l’Anémone regarda furtivement et discrètement l’eau. Etait-elle profonde ? C’était la première fois qu’elle se posait la question depuis qu’elle était ici. Si elle venait à tomber –ou si ce félon des Océans- venait à la précipiter dans l’eau, est-ce qu’elle se noierait ? La rouquine n’avait pas peur, mais s’inquiétait quand même un peu de savoir ce qu’il adviendrait si elle tombait à l’eau. Nuage de l’Anémone tenta d’en regarder le fond. Elle le voyait et apercevait les petits galets et cailloux qui le jonchaient. Ça la rassura un peu et replongea son regard de l’autre côté de l’eau pour observer l’apprenti adverse donc elle ignorait encore le nom et les intentions. 


(Prends ton temps hein :DD Parce que tu réponds beaucoup trop rapidement à mon gout xD) 

De longs moments s’écoulèrent ainsi. Nuage de l’Anémone ne bougeait presque plus, ses pupilles ambrés semblant lire en cet inconnu comme dans un livre ouvert. Inconnu qui, soit dit en passant jouait à merveille au jeu que la rouquine avait lancé. Il ne disait rien, et, depuis qu’elle avait bondi sur cette roche, participait à cet échange de regards interminable. De là où elle était elle pouvait voir de l’amusement dans le regard du matou du clan des Océans. Elle avait trouvé comment s’amuser elle-même et ce chat là. Super.
Nuage de l’Anémone commençait à s’impatienter, il fallait l’avouer. Bien qu’au début de cette rencontre, elle ne fut pas enchantée de devoir faire face à ce chat-là, là, ça l’arrangerait plutôt qu’une ou deux paroles soient échangées. Ce silence commençait à être pesant. Enfin, « silence ». Le lieu était quand même tout sauf silencieux. Le bourdonnement entêtant de la cascade à sa droite commençait sérieusement à l’énerver, lui donnant un peu mal à la tête. Ça devenait insupportable et Nuage de l’Anémone faisait tout son possible pour ne pas que ça soit visible. Ce qui l’énervait encore plus, c’était l’air satisfait du chat des Océans en face d’elle. À moins qu’elle ne soit complètement parano, il semblait même la narguer !
Toujours les yeux plongés les uns dans les autres, Nuage de l’Anémone remarqua qu’un autre rocher se trouvait un peu plus loin dans la rivière, bien qu’il soit bien plus petit que celui sur lequel elle se trouvait en ce moment. Elle ne pouvait plus rester comme ça, devant le chat sans bouger. Elle se lança donc et bondit pour atterrir pile poil sur l’autre galet qui avait juste suffisamment de place pour accueillir ses quatre pattes. Evidemment, elle dérapa un peu et l’une de ses pattes avant atterrit à moitié dans l’eau. Elle se retint de toutes ses forces de ne pas pester et s’assit de nouveau en regardant fixement l’autre apprenti, comme si rien ne s’était passé.
Son regard se fit amusé et un peu provocant. Elle voulait presque lui montrer qu’elle était prête à venir de son côté, que cela ne lui faisait pas peur. Mais peut-être que d’un côté, il s’en fichait. Bref, elle avait bougé de son rocher pour aller sur un autre, mais le silence lui pesait toujours autant et ça la titillait de parler. Mais elle ne pouvait pas juste ouvrir sa bouche et parler pour dire n’importe quoi. Tout en maintenant le regard du mâle tigré sans fléchir, elle pensait. Elle devait être provocante, c’était le seul moyen d’avoir l’air « importante et sûre d’elle ». Elle lâcha soudain simplement, d’une voix où transparaissait la fierté d’avoir mené le novice ennemi par le bout de la truffe depuis presque une demi-heure déjà :
- Bravo, t’es maintenant le roi du silence. *sourire*  

Toujours dressée sur son rocher, Nuage de l’Anémone ne s’empêchait absolument pas d’être fière de son coup. Elle avait fait perdre son temps à l’apprenti adverse pendant tout ce temps, et son éternel caractère de petite peste en était très content. Quelque part, elle aussi avait perdu son temps. Mais, elle, n’avait rien d’autre à faire dans son camp ou ailleurs. Et maintenant qu’elle y pensait, cette situation était bien plus amusante que si elle était restée parmi les autres apprentis de son clan, tous endormis, et elle, incapable de fermer l’œil.
En tout cas le matou en face d’elle ne bronchait pas. Essayait-il d’énerver la rouquine en restant silencieux face à sa provocation ? Raté. Elle savait, elle se doutait que ça démangeait l’apprenti au nom inconnu de répondre, de ne pas rester passif à tous ses pics envoyés par Nuage de l’Anémone. Ce n’était qu’une question de temps. Il finirait tôt au tard par réagir et la rouquine devait juste attendre.
Quelques secondes s’écoulèrent dans le parfait silence qu’offraient les clapotis de l’eau, puis le matou adverse se dressa lentement sur ses pattes, sa queue battant tranquillement contre ses flancs. Il finit par répondre, la voix mielleuse à souhait :
Mais quel compliment me faites vous là jolie demoiselle ? Ne vous sentez vous pas trop seule là bas sur votre trône ?
 
Le matou tigré loucha sur la pierre sur laquelle Nuage de l’Anémone était dressé. Elle le regarda elle aussi quand une petite vague vint lui lécher les coussinets. C’est vrai qu’elle pouvait tomber de là d’un instant à l’autre. Le félin du clan des Océans lui sourit. Mais son sourire n’était pas un sourire qu’elle connaissait pour lui avoir fait face de nombreuses fois. Ce sourire était charmeur. Quoi ? Vraiment ? Ce chat qu’elle ne connaissait pas du tout était-il vraiment en train de la séduire ? Cette pensée la perturba un peu et elle en fut déséquilibrée sur son « trône ». Elle replongea son regard dans celui jaune du matou quelques pas d’elle.
Une fois sa période de surprise disparue, elle lui rendit son sourire, amical en revanche. Elle ignorait quelles étaient ses intentions, mais Nuage de l’Anémone était décidée à ne pas le laisser partir comme ça. D’un bond gracieux, elle rejoint l’autre côté de la Rivière et atterrit à à peine une queue de chat du matou. Elle était en territoire ennemi, elle le savait et en avait conscience. Si quelqu’un, qu’il soit d’un clan ou de l’autre arrivait, elle passerait un sale quart d’heure, ça c’était sûr et certain. Seulement, elle voulait voir jusqu’où le mâle irait, ce qu’il voulait. Nuage de l’Anémone était intriguée par ce félin, et une fois sur la terre ferme, elle miaula simplement, comme si l’effraction n’avait pas été commise.
- C’est qu’un souverain doit se rapprocher de son peuple. *regard provocant*
 
Que de belles métaphores. Seulement, la rouquine ignorait toujours le nom de ce mystérieux félin. Ça la gênait. Elle continua :
- Je suis Nuage de l’Anémone. Et tu es … ? 

Le félin au nom encore inconnu semblait tellement « choqué » à une vitesse tellement rapide, que ça en était jouissif pour la rouquine. Nuage de l’Anémone se rendait compte que la situation était potentiellement dangereuse pour elle. Elle était sur le territoire du clan des Océans et si le matou qui était à moins d’une queue d’elle décidait de l’attaquer –ce qui serait légitime-, et bien, ce serait chaud pour elle de refaire tous ces sauts de roches en roches pour retourner chez elle. Mais dans l’urgence, elle se retourne rapidement et fasse ses bonds rapidement, avec l’adrénaline et tout ça devrait le faire.
Oh vous avez bien raison de vous rapprocher du peuple, souveraine, car il meure d'envie de vous savoir près de lui ... Mais prenez gardes, une révolution n'est jamais bien loin.
 
Il ronronna ces mots d’un air satisfait, un sourire étrange aux lèvres, une lueur inexplicable dans les prunelles. Allait-il attaquer ? Il n’en avait pas l’air. Et Nuage de l’Anémone ne pouvait pas croire que tout l’agacement qu’il avait certainement accumulé depuis le début de leur rencontre s’était évaporé comme ça. Il continua, rieur :
Nuage de l'Anémone hein ? Joli nom. Je me nomme Nuage de Frêne, enchanté ... Je vous fais visiter les humbles terres de votre peuple ?
 
Nuage de Frêne. D’accord. Ce sourire charmeur ne le quittait plus maintenant. Que cherchait-il à faire ? L’attirer dans ses terres pour mieux pouvoir l’attaquer en territoire inconnu ? En plus, entrer plus dans les territoires du clan des Océans, non merci ! Déjà que l’odeur d’eau croupie lui donnait des haut-le-cœur, si elle pouvait éviter de gerber ses poumons, ce serait agréable.
Bien que Nuage de l’Anémone essaie absolument de trouver ce que veux dire le matou adverse, alors qu’il n’y a peut-être pas de signification cachée, elle aimait le jeu qu’elle jouait avec ce Nuage de Frêne. Pleins de sous-entendus. C’était amusant. Ça la distrayait. Et elle comptait bien continuer, au risque de se faire attaquer d’un moment à l’autre.
- Nuage de Frêne. C’est bien gentil de demander à ta souveraine de visiter ses propres terres mais elle les connaît mieux que personnes. *sourire « dents »*  Et puis, les Grands ne se mélangent pas au bas-peuple … *rire*

Le matou tigré semblait être hors de lui. Enfin c’est Nuage de l’Anémone qui le devinait. À la mince lumière des lucioles, la rouquine voyait Nuage de Frêne remuer des moustaches, ses yeux jaunes luisant d’un étrange étincelle. Soudain, il commença à marcher le mince écart qui le séparait de l’apprentie des Marais. Cette dernière ne bronchait pas tout en soutenant le regard de l’autre. Ses pas étaent amples et longs comme s’il voulait que sa marche dure pour toujours. Une fois arrivé à sa hauteur, Nuage de Frêne commença à tourner autour de la rouquine, tout aussi lentement, lui balançant de temps à autres sa queue dans le visage. Cette odeur d’eau et de poisson pourri lui prenait à la gorge, et Nuage de l’Anémone luttait pour ne pas se reculer, ou montrer son dégout. Elle sourit simplement quand Nuage de Frêne se posta devant elle, en pensant que lui aussi était peut-être dégouté par sa propre odeur.
Alors qu'attends-tu, jolie reine, pour retourner dans ton château avant que tu ne sois en fâcheuse posture ? Car ... Nous voulons tous deux éviter cela, n'es ce pas ?
 
Pendant une dizaine de secondes, Nuage de l’Anémone ne broncha, ne laissant apparaître aucune réaction. Elle réfléchissait. Devait-elle faire demi-tour comme elle l’avait planifié tant de fois depuis qu’elle était sur le mauvais côté de la rivière ? Ou devait-elle attendre d’être attaquée pour riposter ? Dans l’un ou l’autre des cas, elle devrait répliquer quelque chose. Et vite. Elle ne voulait pas perdre contenance ou avoir l’air hésitante devant le chat ennemi. Nuage de l’Anémone, qui regardait toujours fixement les yeux jaunes du matou tigré, le quitta brusquement pour sauter agilement sur la première roche après la rive. Elle remercia le clan des Etoiles pour ne pas être tombée à l’eau ou tout simplement avoir perdu l’équilibre.
De là, elle replongea ses prunelles enflammées dans celle de Nuage de Frêne. Gardant toujours le silence, elle recommença le processus jusqu’à une autre pierre, proche de celle où elle se trouvait. Le jeu recommençait. Elle s’assit posément sur son « trône », enroula sa queue autour de ses pattes et contempla « son peuple » avec « souveraineté » avant de lâcher d’une voix forte :
-Tu a raison. *pause* Il y a les forts et les faibles. S’il ne sont pas mélangés c’est qu’il y a une raison …. *sourire « dents »* Ils sont séparés mais ils sont indispensables l’un à l’autre. Le peuple n’est rien sans son roi tout comme le roi n’est rien sans son peuple.
 
Ses yeux ambrés brillaient de satisfaction. Quelle philosophie dites-donc ! Mais elle avait raison et en était persuadée. Après cet instant philosophique, elle ne dit rien et souriait, simplement. Elle attendait une réaction du matou. S’il n’en avait pas, elle continuerait le chemin retour et rentrerait dans sa forteresse.