Je me souviens du jour et de la nuit. Je me rappelle du plaisir et de la souffrance, de l'effort et du réconfort. Je me remémore la vie et la mort, les cris et les larmes. L'eau et le feu. Les arbres, la terre, le ciel. La joie, la peine. Je me souviens de la haine, mais pas de l'amour, c'est une chose que je n'ai encore jamais ressenti. Je me rappelle de la morsure du froid de la mauvaise saison et la chaleur suffocante de la bonne époque. Tout ça je m'en souviens. Je me remémore le bruit de la pluie et le grondement du vent dans les branches frêles et les roseaux. Le goût du sang, et le bruit d'un petit cœur qui bat une dernière fois. Je me souviens de la peur, du doute, de l'impuissance. De la folie, et de la démence. Tout, en totalité. Je n'ai rien oublié, tu vois. Même pas toi. Seulement rien n'était plus fort, rien n'était plus grand que mon désir de t'oublier, de t'effacer, de t'éradiquer de ma mémoire. Mais ça ne marchait pas, rien, rien ne fonctionnait. Et ça me tue, tu sais, que de ne pas pouvoir t'enlever, une bonne fois pour toute, de mes pensées.


Rencontre. Raillerie. Indifférence. Supériorité. Sermons. Colère. Excuses. Pardon. Balade. Malaise. Questions. Réponses. Regret. Froideur. Emportement. Furie. Frustration. Impuissance. Faiblesse. Seul. Nul. Moins que rien.

Pourquoi cette forêt ? Pourquoi cet endroit. Pourquoi.
J'y était sans vraiment y être, ici, là, ailleurs, partout. La frustration, ne m'avait pas quitté, la colère non plu. J'avais envie que cela cesse sur le champs, que ça se stoppe, que ça s’arrête. J'espérais mais savais au fond que mes espoirs étaient vains. L'impression de faiblesse persistait en moi comme un couteau que l'on tournerait dans une plaie. J'avais mal, là, à l'intérieur, mais je lutais contre ce mélange de colère, mal et impuissance. Je me devais d'être fort, il ne fallait pas que tout soit vain. J'étais courageux, il ne suffisait que de l'appliquer.
Je crois bien qu'il faisait nuit car j'entendais des grillons chanter et la verdure de la forêt revêtait cet étrange manteau sombre, inquiétant. Habituellement, lorsque je ne pouvais pas dormir comme maintenant, je sortais du camp pour contempler les étoiles et lune, ensemble qui me fascine. Mais cette fois ci je n'avais pas la force de lever la tête vers l'astre lunaire, c'est donc pourquoi je fixe mes pattes sans vraiment les voir, l'esprit ailleurs, bien loin de la forêt où tout m'échappa, où le maître devint serviteur. Et où le serviteur fut maître.
Je voyais encore ses traits crispés par la rage, ses yeux brûlant de contrariété. Je la voyais encore partir, me plantant là, comme un imbécile. Je me voyais encore seul, impuissant et faible, fixant avec amertume l'endroit où la femelle blanche avait disparut. Et le tout tournait en boucle dans mon esprit, comme un manège dément et incessant.

Un bruit sourd me tira de mes obscure pensées et je tournai mécaniquement la tête, las. Une forme blanche était étendue dans l'herbe sombre, telle une poupée de chiffon que l'on aurait abandonnée là. Je plissais les yeux pour essayer d’identifier la chose mais me vue, brouillée par la fatigue ne me montrait rien d'autre que cette vague silhouette blanche. L'odeur qui émanait de cette personne était, par contre, celle du Clan des Éclairs, certes un peu troublée par la fragrance de l'herbe et la rosée et toutes ces autres nuances nocturnes mais reconnaissable tout de même. C'est alors qu'un horrible pressentiment m’assaillis. Et si cette silhouette n'était autre qu'elle .. ? Oh non, Clan des Étoiles .. Pourquoi tant d'acharnement sur moi ?

« Qui es - tu ? »

J'avais parlé sans vraiment le vouloir mais la curiosité l'avais emporté sur la prudence ; d'une voix qui m'était étrangère, rapeuse et rauque de lassitude.
J'étais moi sans l'être tout à fait. Je m'étais perdu moi même.