« Si seulement le monde pouvait changer. Si seulement je pouvais retirer les masques de toutes ces personnes qui cachent tant de souffrance derrière. Seulement, on peut parfois voir à travers, mais il faut être fort lorsqu'elles jouent bien leur jeu. Il ne faut pas essayer de tout découvrir, car la vérité peut parfois faire mal. Seulement, se protéger avec une carapace n'est pas toujours la solution non plus. Je suis perdue. Je ne sais quel chemin entreprendre. Je suis ignorante, oui, je suis ignorante. »

L'aube. Tout était si beau ce matin. L'astre solaire pointait peu à peu. Seulement quelques guerriers étaient réveillés et personne ne bougeait. Ils voulaient juste admirer la beauté du soleil qui se levait sur la forêt, tout comme moi. C'était un spectacle si merveilleux... J'avais envie de courir pour me dégourdir les pattes. J'en avais marre de rester dans le camp. C'est pour cela qu'à chaque occasion, j'en sortais pour respirer un peu. C'était un peu comme si j'étais prisonnière. C'est ce qu'on était tous en fait : prisonniers. Tous les membres d'un Clan devaient le protéger au péril de leur vie; vous croyez que c'est normal ça ? On devrait se faire tuer pour assurer la sécurité des autres et tout ça par force ? Je pense que cette règle était la plus injuste de toutes. Surtout quand on était seul. On devait donc défendre des inconnus. Je ne comprenais pas et je ne comprendrais sûrement jamais.

J'étais sortie de mon territoire et je me rendais à présent dans un endroit que je ne connaissais pas. C'était un sombre bois avec de petits arbres à peine plus hauts que trois guerriers. La brume s'était installée et je m'étais arrêtée pour éviter de me perdre d'avantage. Je dois avouer que les ballades solitaires me plaisaient fort bien puisqu'elles me permettaient de réfléchir un peu à tout et à rien. J'aimais cela, réfléchir, penser ce qui serait plus juste pour les Clans, pour le bien de la forêt. Par contre je ne dévoilais jamais mes pensées, oh non jamais. Personne ne voudrait les entendre de toute manière. Les pensées d'une jeune apprentie n'avaient sûrement aucun intérêt. Ils se croyaient tous plus sages.

J'étais tellement perdue dans mes pensées que je ne me rendais pas compte d'une présence. Ou peut-être même de plusieurs. J'étais mieux dans mon monde à moi, il faut bien l'avouer.

« La surprise. Elle peut parfois être bien prise lorsqu'il s'agit de faire plaisir à quelqu'un pour un cadeau ou bien autre chose. Mais lorsqu'il s'agit de faire quelque chose de traître, elle peut être beaucoup moins plaisante... C'est un drôle de sentiment la surprise. On ne peut rien dire ou bien manifester, puisque de toute façon on ne nous en laisse pas le temps. C'est une supercherie la surprise. La surprise, c'est douloureux lorsqu'elle est mal employée. On peut parfois être déçu parce qu'on s'attendait à mieux, ou alors on peut gâcher la surprise en la dévoilant. La surprise, c'est tout de même mystérieux. »

Cet endroit était vraiment mystérieux. J'avais l'impression de me trouver sur le territoire du Clan des Marais. Une apprentie ordinaire aurait été effrayée par cette drôle de forêt, pas moi, au contraire. Cet endroit ne me rassurait pas, certes, mais je l'appréciais tout de même. Il était étrange et bourré de mystères, tout comme moi. Ravis, je souris. Mais pas pour longtemps puisqu'une chose se jette sur moi et me cloue violemment sur le sol. J'atterris sur la terre humide dans un bruit sourd. Sans attendre je sortis les griffes et labourai les flancs de mon agresseur. Je ne sentais pas d'odeur particulière différente de la mienne, c'était donc quelqu'un de mon Clan. J'étais déjà moins affolée. Mais est-ce qu'on me voulait du mal au point de m'attaquer par surprise ainsi ? Surtout que j'étais seule et que je ne faisais pas le poids. Ah. C'était Griffe de Foudre, un jeune guerrier de mon Clan. Je le repoussai d'un coup rapide et violent. J'étais enfin libre.

« Non mais ça va pas ou quoi ? T'es pas un peu malade dans ta tête ?! »

J'étais complètement frustrée. J'avais envie de lui sauter à la gorge pour le tuer. À cet instant précis je maudissais le guerrier plus que tout au monde. Mon pelage blanc était à présent boueux et j'avais mal au dos à cause de son attaque. J'étais essoufflée. Si il m'attaquait à nouveau je donnerais de ses nouvelles à Étoile du Vent. Quel abruti !

« L'incompréhension. Elle n'était pas seulement créée par notre entourage, mais surtout par nous-même. Nous ne faisons pas toujours les efforts qu'il faut pour se faire comprendre. C'est normal aussi, quand on est dans une période noire de se replier sur soi-même et de s'isoler du monde en le maudissant. Ce qui nous rend encore plus faible et éloigné de notre entourage. On s'isole, on s'enferme. On ne sait plus vraiment qui l'on est et on se pose des questions sur ce que l'on pourrait changer. Et puis finalement on se dit qu'on est bien comme on est alors qu'en vérité on souffre comme jamais. »

Le mâle me fixait comme si il se fichait totalement des dégâts qu'il avait pu me faire. Je ne comprendrais décidément jamais les autres guerriers qu'ils soient de mon Clan ou d'un autre. Qu'est-ce qu'il voulait me montrer au juste ? Que j'étais faible ? Que j'étais une ignorante ? Croit-il que je ne sais pas déjà tout cela ?

« Malade ? Je ne crois pas, que fait une si frêle apprentie si loin du camp. Tu es fatigué de respirer? J'aurai pu te tuer 3 fois tu ne m'as même pas senti arriver. »

Sérieusement, pour qui est-ce qu'il se prenait ? C'est pas parce qu'il avait un rang supérieur au mien qu'il devait se prendre pour le maître du monde hein. C'est pas croyable des gens comme ça. Il peut pas me laisser tranquille ?! J'étais venue ici pour oublier tout ce qui concernait cette maudite forêt.

« Retournes au camp et au trot. Tu n'as rien à faire ici... Tu ne chasses même pas, le clan n'a pas besoin d'apprenti qui traîne la patte pour aider leur clan. »

Je m'assis et entrepris de nettoyer mon pelage. C'est pas un gros matou qui allait me faire bouger, surtout pas lui avec le comportement qu'il avait !

« Parce que toi tu bosses là peut-être ? Tu penses peut-être que j'ai la tête dure et que j'te manque de respect mais je me comporte exactement comme toi. Il faudrait arrêter de se croire supérieur parce que l'on est plus âgé. Tu dis avoir de l'expérience. Certes, mais tu n'as pas encore réalisé à quel point tu étais aveugle. »

Ces paroles étaient sorties comme ça. Je ne les regrettais pas malgré ça. Je n'avais fait qu'être franche après tout. Je n'étais qu'une apprentie certes, et il se ficherait sûrement de ma tête, mais qu'importe. Il verrait au moins que je ne suis pas un pantin mais bel et bien un chat et je n'obéissais pas à ses ordres quand il le voulait.

« Supériorité et superficialité. Deux adjectifs que peu de personnes arrivent à supporter. Pourtant ils font partis des défauts de certaines personnes qu'il faut savoir accepter, surtout quand celles-ci ne veulent pour rien au monde changer. À quoi bon insister ? Et puis, ça ne coûte rien d'essayer. »

« Contrairement à toi j'ai chassé sur le chemin, je ne suis pas inutile, arrogante. »

Mais oui c'est ça, et moi je sais voler aussi non ? C'est comme ça que je chope tous les piafs. Non mais il se foutait littéralement de moi lui. Sur ces mots il m'attrapa par la peau du coup, comme tous les autres chatons et essaya de m'emmener. Essayant de me défendre en vain, je me débattais. Enfin je réussis à le toucher : je l'avais mordu. Sérieusement, si il se croyait supérieur à moi il pouvait toujours rêver. Au contraire, il avait l'intelligence d'un pigeon.

« Bats-toi, sans les griffes bien sûr. »

Et ben là il pouvait toujours rêver. Il ne s'appelait pas Étoile du Vent à ce que je sache ? Alors il n'avait aucun ordre à me donner et il n'avait encore moins à m'éduquer ou à m'entraîner. Quand je raconterais ça au chef du Clan des Éclairs. J'avais l'impression que Griffe de Foudre se fichait complètement de ce que je pensais moi. Encore une fois un égoïste prenait place dans notre Clan. Il ignorait complètement mon passé tout comme moi j'ignorais le sien. Il ne savait pas à quel point j'avais déjà souffert. Il ne comprenait pas, il ne comprenait rien j'avais l'impression.

« Laisse-moi. S'il te plaît. », lui lançai-je d'un ton neutre, froid, voir glacial. « J'ai besoin d'être seule. »

Si il ne comprenait pas cela j'en viendrais à fuir. Et pour ce qui est de la rapidité, je crois bien que j'étais plus forte que lui. J'arriverais sans doute à le semer. Mais ce n'était pas mon intention pour le moment. Je voulais juste qu'il s'en aille, c'est tout. Simplement.