N'aie pas peur. Je suis là. Tu m'entends ? Je ne partirais jamais, je te dis. À jamais, oui à jamais, je serais là pour toi. Dès que le doute t’assailliras, j’accourrai rien qu'à ton appel. Rien qu'à ta voix. Je suis ton dévoué serviteur, tu sais. Tu t'en as peut-être pas encore conscience mais ... Mais je t'aime. Oui. Oui, je t'aime. C'est dur à dire tu sais, mais c'est encore plus dur à assumer, à faire. Je t'en fais le serment. La promesse. Tu pourras toujours compter sur moi, où que tu ailles, quoi que tu fasses. Si ton cœur est brisé, je le réparerai. Si tes larmes coulent, je noierai ton chagrin.
Je serais là.
Je demeurerais.

∞ ∞ ∞

Je marche. Je cours. Qu'importe, au fond, tant que j'avance, tant que je fuis. Le paysage défile, mais je n'y porte aucune attention, ça n'a aucune importance. Rien n'as plus d'importance. Rien vous m'entendez ! Je n'en peux plus. Je suis las, comme si je portais toutes les erreurs de la terre sur mes pauvres épaules. Je la cherche, elle ; celle qui n'est plus, follement des yeux, pensant la trouver, souriante, derrière chaque arbre. Mais il n'y a rien. Rien que le vide, rien que le silence. Elle est partie, je ne la reverrais jamais ... Et pourtant je voudrais que tout cela ne fut qu'un rêve. Qu'elle ne soit jamais repartie. Qu'elle ne m’ait jamais laissée. Je voudrais oublier, tout recommencer. Je voudrais ... Je voudrais et pourtant je sais que cela est impossible, que rien ne la fera revenir. Jamais.
Alors je pleure, je crie, je hurle, je tempête. Je deviens fou. Être fou pour oublier, oublier qu'on a mal. C'est peut - être le remède. Seulement à mes yeux rien ne fonctionne, et la douleur ne fait qu'augmenter, que se rendre plus pointue, plus aiguë encore. Puis, elle se transforma ; cette souffrance ... Oui, elle se transforma en haine, en rage, en une colère froide. Un feu qui me consumait, là, à l'intérieur, dans mon cœur. Un incendie dévastateur, meurtrier.
C'était leur faute. À bien y réfléchir on pouvait en arriver à cette conclusion. C'était eux, les fautifs. Ces fichus ancêtres, ce dit Clan des Étoiles. Ils n'avaient rien fait pour la sauver, comme si peu leur importait. Après tout ils avaient bien anéantis tous les Clans ... Par le passé. Alors une vie au milieu de tant d'autres devait bien leur paraître futile, superficielle ... Indigne de leur protection, à eux, les si puissants. C'était eux. Ces traîtres. Mais si ils pensent que je vais laisser passer cet affront ils se mettent la patte en plein dans les yeux. Je me vengerai, ils verront ... Oh oui. Ils auront tout le loisir de voir.

Je m'arrêtais, clignant des yeux. Autour de moi tout était sombre et inhospitalier. Les ronces semblaient avoir pris possession de l'endroit car quelque soit la direction que prenait mon regard je ne voyais que ces buissons épineux. En baissant les yeux vers mes pattes je constatais qu'elles avaient été écorchées par les buissons aux épines tendues. Réprimant un grondement sourd j'entrepris de lécher les quelques plaies qui parsemaient mes membres musculeux. Les sens en alertes je me rendis alors compte que j'étais allé trop loin. Bien trop loin. Cet endroit ne ressemblait en rien à mon foyer, où le roseau était roi. De plus l'odeur n'appartenait pas à mon Clan, elle était beaucoup plus musquée, plus forte ... Insupportable. Le territoire du Clan des Marais, sans aucun doute. Quelle poisse.
Un bruit, un craquement plus précisément, attira mon attention. Me tournant vers l'origine de ce son peu discret je me redressais, les oreilles en arrières, les crocs dévoilés, le poil furibond.

« Qui es - tu ? »

Grondais - je d'un ton où perçait la colère. J'avais beau être en mauvaise posture mon orgueil et ma fierté prenaient largement le dessus sur la peur ou autre sentiment qui aurait pus me pousser à fuir sans demander mon reste, je n'étais pas lâche.
Aujourd'hui n'étais pas un bon jour, c'est le moins qu'on pouvait dire.

Et ça me tue. Et j'ai mal. Et j'oublie. Et ça reviens. Et je pleure. Et je crie. Et je sombre. Et je coule. Et j'en ai marre. marre de passer pour un faible. Marre de m'apitoyer sur mon sort. Marre de vivre. Marre de sourire alors que ce n'est qu'un masque pour cacher mes larmes, mes pauvres larmes. Marre de vivre.
Piter. Ayez piter. Tuez moi. Faites cesser cet enfer. Car le vivre n'est plus une vie.

∞ ∞ ∞

Elle sortis des buisson. Elle oui, car c'était une femelle. Tout simplement car ça se voyais. Elle avait les traits fins, ceux d'une femme, ceux d'une femelle. Le pelage roux, roux flamme, roux incendiaire ... presque tape à l’œil, assez ras à première vue, mais brillant et apparemment bien entretenu. Des rayures, plus foncées que le teint roux de sa robe, dans les nuances brunâtres, un brun sombre quoi. Et des yeux. Bleus. Et ça me frappa, sans pour autant lui montrer, ses yeux me frappèrent, oui. C'est con, c'est terriblement idiot mais ces deux pupilles étaient bleues, azures ou saphirs je n'aurais su dire mais ... Mais le bleu avait été la couleur de ses yeux à elle ... Et elle n'était plus là. Pouf. Partie, disparue. Plus là.

« Non, mais oh. Quand on est un Gentleman, on prend la peine de se présenter en premier à la demoiselle ! Et puis, aussi éviter les tons menaçants ou autre, ça n’aide pas ! »

Mais quelle idiote. Elle ne me connaissais pas et se permettait de telles paroles. Si j'avais écouté mon cœur je lui aurais arraché les membres uns à uns pour finalement les jeter dans la rivière. Mais ç'aurait été se mettre à son niveau, être aussi bas, aussi misérable qu'elle. Être faible.
La femelle aux yeux bleus me souris, rayonnante comme un paon. Elle avait l'air cruche, me surpris - je à penser. Ce sourire fier et stupide ne lui allait pas du tout ... Enfin, pas à mes yeux indignes de se poser sur cet être plus bas que terre, cet asticot rampant.
Une grimace - ou un semblant de sourire ? - tordit mon visage, brisant le masque impassible que j'avais jusqu'à présent gardé. Me redressant, les muscles toujours tendus, je m'assis et toisait la femelle adverse avec mépris. Elle n'était pas bien grande, la pauvre, et ne paraissait pas bien méchante ... Mais malgré tout je ne me fiais pas aux apparences, je l'avais largement appris par le passé, à mon insu.

« Et quand on a un minimum de jugeote on apprends à se taire avant de sortir de pareilles imbécilités. »

Sifflais - je, amer.
C'est fou comme la vie est ingrate, et comme le destin se joue de nous. J'avais cru, naïvement, me situer au dessus de tout ça, être intouchable, mais non. J'étais bien con pour avoir pus croire, rien qu'une seconde, en ce pauvre rêve. La chute n'en est que plus brutale. Que plus mortelle.

Tu n’es plus là. Mais je peux encore te voir, malgré moi. Plus là. Mais omniprésente. Plus là, mais je peux encore distinguer ton image tremblante et floue, là, sur la rive. Tu n’es plus qu’un souvenir. Mais ce souvenir me tue. Cette image insupportable. Ce calvaire. Être mort tout en restant vivant. C’est ce que j’ai l’impression de vivre. Oui ça m’arrache, ça me poignarde le cœur. Si seulement tu pouvais voir combien j’endure. Combien j’ai mal. Reviens. Reviens, s’il te plaît, fait le pour moi … Tu n’avais pas le droit de partir. Tu m’entends ? Pas le droit. Aucun. Zéro.
TU M’ENTENDS ?!

∞ ∞ ∞

« Ce ne sont pas des imbécilités, juste une façon d’approcher les autres. Aussi sotte soit elle, au moins, j’aurais réussi à te soutirer quelques mots me laissant deviner ton caractère. »

En disant ces paroles la minette s'était sagement assise, la queue délicatement enroulée autour de ses fines pattes aux extrémités blanches, comme trempées dans du lait. Une sorte de mimique boudeuse s'était imprimée sur ses traits, ce brusque changement de comportement me surpris et j’arquais délibérément un sourcil, les yeux réduits à deux fentes, fixés sur l'apprentie adverse comme si un regard eut pu lui ôter la vie. C'est vrai que je n'avais pas été clément avec elle, son intention n'avait pas été belliqueuse après tout, elle avait juste voulu sympathiser, et moi, comme toujours, dans mon éternelle recommencement, j'envoyais bouler quiconque essayait de fraterniser un peu avec moi. Abruti. Idiot. Imbécile.
Aveugle. Voilà ce que j'étais.
Puis, aussi vite qu'il était apparu, son air boudeur disparut, laissant place à un joli sourire amical. Chose que je ne pourrais jamais lui rendre. Ce n'était pas ma faute, j'avais juste été conçut de cette manière. C'est tout.

« Aurais je au moins le droit de te demander ton nom ? »

Ajouta t - elle moqueuse.
C'était une bien curieuse personne qui se trouvait en face de moi. Un coup vexée, ou à demi, l'autre joyeuse et ouverte à tout. Mon opposée, presque, car jamais je n'aurais pus montrer autant d'amitié envers quelqu'un que je ne connaissait ni d’Ève ni d'Adam. Non, moi je sortais les griffes, et crachai des mots blessant à qui osait m'accoster.
Je penchai la tête sur le côté, le visage sans plus d'expression que si elle venait de me demander pourquoi le ciel était bleu. Dans mes yeux dansait une lueur amusée mêlée à de l'arrogance. si elle croyait que j'étais le doux agneau qui se laisserait docilement manger par le loup ...

« Et si j'avais pas envie de te le dire ? » Miaulais - je d'une voix mielleuse, un sourire faussement amical sur les lèvres. « Bon, moi c'est Nuage de Frêne, apprenti du Clan des Océans. Et ... Toi ? »

Le doute. Ce sentiment qui m'agrippe. Qui m'étouffe. Je ne pensais pas le connaître, eh bien, voilà que je me trompais, une fois de plus. Je pensais que je saurais passer à travers les mailles du filet, que je serais une exception ... Mais tout n'était qu’illusions, que rêves futiles. Je pensais manipuler, je pensais diriger, mais en réalité c'était tout le contraire. J'étais le pantin, et non le maître.
Mais je ne suis pas vaincu. Oh non, loin de là. Je lutterai, jusqu'à la mort si il le faut, je leur prouverais, à tous ce que je vaut. Ils sont loin d'en avoir fini avec moi. Je reviendrai, je le sais. L'espoir ne m'as pas quitté, et, malgré les épreuves je demeure, endurant en silence, souffrant sans mot. Et c'est ça la vrai force. Pouvoir subir les attaques de la vie, encore et encore, sans flancher. Et se dire : " Qu'importe, demain est un nouveau jour, une nouvelle vie. ". Voilà, c'est comme cela qu'il faut raisonner, qu'il faut vivre.

Je dodeline de la tête, perdu dans mes pensées, mes question intérieures. Je suis face à elle, toujours, je n'ai pas fais un geste pour m'en aller, malheureusement. J'aurais du mais ma curiosité est plus forte que ma rancœur, et l'apprentie adverse m'intrigue plus qu'elle ne m'insupporte. Je n'ai plus conscience du temps qui passe, inlassablement. Fait - il jour ? Fait - il nuit ? Je ne sais plus et peu m'importe pour tout dire. Je suis las, las d'être là, las d'attendre. Je veux rentrer chez moi, maintenant, mais un petit je ne sais quoi me pousse à rester.
Alors ainsi soit - il. Je resterai.

« Ah bah tiens, tu veux connaître la personne qui dit des imbécillités ? »

Sa voix me tira de mon petit débat intérieur et ma vue se déflouta pour se restabiliser sur son visage. Son sourire, sa mimique, sa grimace moqueuse ne l'avais pas quitté, et son regard, pétillant de curiosité, contrastant fortement avec le mien dépourvu de toute émotion, me fixait toujours, sans se lasser.
Je ne comprendrai donc jamais rien aux fichues femelles ? Quel est son but véritable, à cette petite enquiquineuse ? Me questionner, m’agacer jusqu'à plus soif ? Ne voit - elle donc pas que je ne suis pas d'humeur, que je n'ai pas la tête à m’égosiller contre elle et ses piques stupides ? Ou alors ... Est - elle aveugle, ou si idiote pour ne pas voir que je ne suis vraiment, mais alors vraiment pas enchanté par son petit manège ?
Je plongeai mes griffes dans l'humus qui s’offrait à moi, imaginant qu'à la place de la terre mi - dure mi - compacte se trouvait le pelage roux flamboyant de cette fichue apprentie du Clan des Marais.

« Oui. Oui je veux le connaître ton fichu nom, alors dis le moi parce que je ne suis pas réputé pour ma patience, surtout avec un membre du Clan des Marais ... »

Grommelais - je, l’œil vif et l'échine à moitié hérissée. C'est vrai quoi, parfois - et surtout en ce moment, avec moi - il ne faut pas jouer avec le feu. Sinon ça vous brûle tellement fort, ça vous consume tellement vite que en moins de temps qu'il ne faut pour le dire vous n'êtes plus rien qu’atomes. Que poussières.

Je brulais. Oui. Je m'embrassais littéralement, là, à l'intérieur. Un feu froid, un feu violent, meurtrier ... cruel. Une flamme inébranlable. Dévastatrice. Rien n'est épargné ; tout y meurt, en souffrant, à petit feu. En silence.
Les griffes fermement plantées ; labourant le sol de leur étreinte acérée, les dents serrées. Le regard brulant, fou, les oreilles rabattues vers l'arrière, le poil hérissé ; j'attendais. J'attendais, oui, tranquillement - intérieurement parlant - que la phrase, la bombe que j'avais lancé fasse son petit boum, qu'elle explose. Je n’eus, effectivement, pas à patienter bien longtemps car ses traits se métamorphosèrent aussi vite que le temps d'un battement de cœur. Sympathie, gentillesse et petite entêtée laissaient soudainement place à une froide colère, en quelque sorte comparable à la mienne ...

« De quel droit peux tu choisir d’être plus tolèrent avec un autre selon son clan ? Je suis certes du clan des Marais, mais je mérite d’être traitée avec respect. Je n’ai pas choisi de naître dans ce clan, alors ne t’avise pas de parler en ces circonstances de mon clan ! »

" Rrrr. " Faisait le Feu. " Aïe ... " Gémissait le Cœur. " Tais toi ! " Aboyais la Raison.

Elle ne souriait plus, - comment aurait - elle pu ? - c'est le premier changement d'expression qui me frappa. Enfin. Enfin elle avait abandonné ses airs de sainte ni - touche pour montrer toute la rancœur qui somnolais en elle, et que mes simples paroles avaient réveillée. Il en avait fallu du temps pour qu'elle comprenne que je n'étais pas celui que je laissais croire. La réalité fait mal, c'est le moins qu'on puisse dire, mais quand on y réfléchis on se rend compte que l'horreur de la vérité nous endurcit, nous renforce, contrairement aux illusions qui mènent à notre perte.

« Mon nom, bien que je doutes que tu le retiennes en raison de mes origines, est Nuage du Cherokee. »

Mon air agressif s'évapora, pour laisser place à une mimique narquoise et satisfaite. Satisfait de quoi ? Eh bien ... Satisfait de voir à quel point les gens sont impulsifs, irréfléchis ... idiots. Satisfait de voir à quelle vitesse ils mordent à l’hameçon, à quel point ils sont manipulables, même cette petite Nuage du Cherokee. Manipulables, oui, comme des pantins sur lesquels ont tirerait les fils, les uns après les autres. Manipulables ... Rien qu'avec des mots.

« Je juge comme il me plaît, et qui il me plaît. » Minaudais - je, le regard fixe, le visage neutre bien qu'un qu'un léger - tout léger - sourire au bord des lèvres, l’œil froid. « Si ça ne te convient pas, libre à toi, mais tu ne me changeras pas, saches le, et toutes les critiques, sermons et j'en passe et des meilleures n'y feront rien. Je suis comme ça. Je ne changerais pas. »

Sur ces mots je me détournais, sans prêter à attention à l'apprentie adverse à laquelle je tournais le dos. Je fixais mes pattes, las ... triste. Où était donc passée cette vie pleine de joie, de victoires, et bonheur que l'on m'avait promis étant chaton ? Où était - elle ...
Sans doute n'avait - elle jamais existé, et elle n'était rien de plus qu'un énième mensonge, que l'on raconte aux chatons pour les leurrer, pour faire taire leurs questions idiotes et enfantines.
Sans doute, oui.

J'en avais assez. Assez, assez, assez. Toute ma vie, mon début de vie, j'avais cru en des bases, en des principes. Toute mon enfance j'avais vécu en me disant que mon ciel serait éternellement bleu et sans nuages, que de petits papillons volèteraient toujours au dessus de ma tête. Que la vie seraient belle et sans bavures, sans tâches. Que mes rêves se réaliseraient tous les trois jours et que je ne souffrirais de rien, que je serais intouchable. Mais c'était faux. On m'avait menti. La vie ce n'était pas ça. Mais alors pas ça du tout. Non. Où était cette existence pleine de promesses et de bonheur dont on m'avait parler lorsque je n'étais encore qu'un chaton innocent ? La réponse était là juste sous mes yeux ; cette vie ne pouvait tout simplement pas exister, c'était impossible. J'étais puni pour avoir osé croire un seul instant que l'on pouvait vivre heureux et sans souffrance. Puni pour avoir dit, pour avoir cru être heureux. Puni pour avoir dit : " Je t'aime. " pour l'avoir pensé très fort. Puni par les Étoiles pour l'avoir aimé, elle, alors que je n'avais pas le droit. Puni pour délit. En me l'enlevant ils m'avaient supprimé ce petit bonheur, ce petit espoir que je m'étais accordé. Ils m'avaient plongé la tête la première dans la rivière en crue et déchainée de mes larmes. Me forçant à observer mon reflet triste et haineux. Ils voulaient me noyer dans mon chagrin. Me tuer.

Si elle avait parlé je ne l'entendis pas, trop plongé dans mes pensées pour entendre distinctement que qu'elle me disait. Je compris quelques mots comme " respect " ou " changer " mais n'ayant pratiquement pas écouté ce qu'elle venait de me dire je ne pouvais donc pas aligner les mots les uns derrière les autres pour donner un sens à sa phrase. Une forme rousse passa sous mon regard perdu mais je n'y fit guère attention. J'étais dans ma bulle. Sous l'eau. Loin de tout. Elle me parlait mais je n'écoutais pas. J'étais ailleurs, bien loin de ce petit monde cruel et égoïste. Elle me souriait mais je ne regardais pas, mes yeux voyant des choses que seul moi pouvait voir. Des images heureuses, des passages de mon enfance. Des choses qui n'ont plus aucune chance de se reproduire maintenant.
Je secouais la tête, chassant mes visions et mes noires pensées par cette secousse. Clignant des yeux pour que ma vue se stabilise je fixais Nuage du Cherokee d'un œil quelque peu vitreux, le poil de mon échine hérissé par mes songes éveillés. Elle souriait bêtement, cette apprentie des Marais et j'haussais un sourcil incertain. Elle avait vraiment le don de m'agacer bien qu'elle me fasse rire - intérieurement - en même temps. Voyant que le silence s'était installé je me raclais la gorge et me passais la langue sur le poitrail, ayant la désagréable sensation de sentir le goût salé des larmes sur mon pelage.

«  Pardon ... Tu peux répéter ? »

Demandais - je en relevant le visage vers elle, un léger sourire sur mes traits. Je retenais un soupir. J'étais las, las de vivre à moitié, une fois sur deux. Vivre sans vraiment vivre. Vivre en se demandant quand viendra la mort ... Car seule elle peut faire cesser cet enfer.