Jour. Nuit. Les jours se confondent. Le temps passe. Je ne réfléchis plus. J’agis. Voilà bien maintenant 1 lune que j’ai prise la tête du clan, et je n’arrive pas à m’y faire. J’aide au mieux, je fais mon possible. Le clan me soutiens. On m’aide. J’apprécie, mais je ne comprends pas pourquoi il a fallut que ce soit moi. C’est un grand honneur que d’être chef qui n’arrive pas à tout le monde, seulement voilà… Je ne m’en sens pas capable. Chant des Blizzards m’aide. J’apprécie beaucoup ce guerrier. Plus vieux que moi, j’admire sa sagesse, voilà pourquoi je l’ai choisi. Comment faire pour prendre confiance ? Je veux faire honneur à mes parents, et à notre défunt chef. Autour de moi, il n’y a que le silence du pâturage. Un petit coup vent par ci par là, c’est bien calme.

J’ai demandé au Lieutenant de me rejoindre pour parler du clan. Enfin, ça c’est ce que je lui ai dit, mais j’ai bien peur qu’il devine bien facilement que quelque chose ne va pas. Il me connaît depuis que je suis une enfant. C’est normal après tout. Je ne comprends pas et je ne comprendrais surement jamais pourquoi Etoile du Dragon m’a confié ce qu’il avait de plus cher. Il serait mort pour son clan s’il en avait eu l’occasion, et il l’avait confié à une petite femelle s’en doute pas la plus forte de tous les guerriers. Néanmoins, je pouvais me vanter de me servir de mon esprit. Un petit sourire fin s’étala sur mes lèvres. Il savait ce qu’il faisait et je lui en serais à jamais reconnaissante. Sortant de mes réflexions, mon regard fut attiré par une silhouette qui se rapprochait. Me redressant, je m’assis tranquillement le temps que Chant des Blizzards me rejoigne. Une fois près de moi, j’engageai la conversation d’une voix douce.

« - Bonjour à toi. Merci d’être venu. »

Je souris. Je me sens plus calme maintenant. Moins seule. Cette solitude qui parfois m’envahi et me laisse dans un trou noir sans fin. Elle s’en va. Parfois, elle me laisse lorsque je me sens bien. Moins seule et je reprends vie. Je retrouve cette petite apprentie que j’étais autrefois avant de perdre… ce que j’avais de plus cher à mes yeux. Cette petite apprentie qui vivait la vie pour tout apprendre, vivait pour sourire et pour rire. Elle est encore au fond de moi, mais elle reste cachée dans les pires moments.

« - Je voulais te voir pour parler du clan. »

Un autre sourire. Mensonge. Je ne veux pas parler du clan. Je sais qu’il va bien, mais moi, je penses ne pas pouvoir le gérer. Je pense ne pas le mériter. Je ne pense pas mériter ces privilèges que l’on m’accorde de part mon « titre ». Des mensonges pour que les autres gardent le sourire. Voilà ce que je fais. Comment j’en suis arrivée là ? J’ai été triste et on a voulu me remonter le moral. Je ne sais plus ce que je fais, je sais une chose. Je n’ai peut être pas ma place ici.

Je voyais totalement qu’il ne me croyait pas. Mais alors pas du tout. Mais je savais aussi qu’il ne me demanderait rien tant que je n’aurais pas engagé la conversation. Je le respectais beaucoup pour ça. Une grande preuve de sagesse. Ce n’est pas que je ne voulais pas me confier pour le moment, mais disons que le sujet que je voulais aborder avec lui était plutôt un sujet fâcheux. Je ne voulais en rien me fâcher avec lui et surtout je ne voulais pas qu’il me laisse avoir raison juste à cause de mon rang de meneuse. C’est d’ailleurs un peu de ça que je voulais lui parler. Tant de chose à vouloir lui dire ou à lui demander pour des conseils. Tant de chose que j’ai du mal à aborder. Je suis quelque peu « bloquée ». Néanmoins, comme si ça ne le dérangeait pas, il me fit un sourire et me répondit gentiment. « Du clan ? Qu’a t’il ? Tout se porte bien non ? » Il fit une petite pause avant de répondre toujours sur le même temps compréhensif. « Les proies sont présentes et la météo agréable. Le clan ne s’est jamais porté aussi bien ! » Cette fois, j’en étais absolument certaine, il était vraiment au courant que quelque chose clochait chez moi. Malgré mes efforts pour le cacher, je devais être aussi lisible qu’un livre ouvert, enfin, il faut croire.

Il en était fier. Je le voyais à son visage mais aussi grâce au petit ronronnement que je pus entendre. Mais je le voyais réfléchir un petit peu. Sûrement essayer de comprendre. Mais il ne devait pas trouver. C’est vrai que je n’étais très pas facile à suivre avec tout ce qui pouvait me passer par la tête. « Et toi ? Tout se passe bien ? C’est quand même quelque chose de devenir chef aussi rapidement … » Encore un sourire pour moi. Cette fois ci, je lui répondis par l’un des miens. Les plus chaleureux que je puisse faire. Je secouais doucement la tête puis le regardais avec un petit sourire amusé. Il avait réellement compris et tout ça en deux phrases. Je ne comprends pas Etoile du Dragon. Il aurait pu, il aurait du le choisir avec sa facilité à comprendre les gens ! Cependant, je n’allais rien lui dire car sinon, il serait triste et il m’en aurait probablement voulu alors que je ne voulais que me rapprocher de lui. Je pris la parole d’une petite voix qui sûrement n’était pas digne d’un chef. « Disons que je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi je suis ici, en tant que Chef alors que tu es encore au rang de Lieutenant. Je ne comprends. Je ne le mérite pas. J’ai l’impression d’être une voleuse. » Je m’arrêtais. J’allais dire quelque chose qui me tenais vraiment à cœur. Mes pattes bougeaient d’elles même. J’étais très anxieuse de ce que j’allais dire. Puis après avoir pris une grande inspiration, je le regardais droit dans les yeux. « J’ai l’impression de ne plus être à ma place dans le clan. J’hésite à me désister et à quitter mes nouvelles fonctions. » Voilà c’était dit. Je ne le connaissais pas assez pour prévoir sa réaction, mais j’imagine qu’il serait surpris. Mais était donné que j’étais celle qui lui avait ‘‘volé’’ sa place, il me pousserait sûrement à quitter les lieux.

Je crois que je lui faisais plus pitié qu’autre chose. Il devait sûrement se dire que je n’étais qu’une bonne à rien et qu’il aurait du se trouver là à ma place. Je le sais. Même moi, j’aurais pensé ça si j’avais été à sa place, enfin je crois… Il fut très étonné néanmoins par le fait que je sois prête à quitter le clan. Après tout, si je n’arrivais vraiment pas à me réconcilier avec moi-même, on n’irait pas bien loin et je suis sure que je mènerais le clan à sa perte. Sa queue battait l’air, et le malmenait. Je sentais que je l’avais perturbé. Loin de moi l’idée d’en arriver là ! Enfin, là je ne voyais plus que de la colère dans les yeux, mais je sentais bien qu’il était perdu, mais pouvais je lui en vouloir ? Non. « Quoi Mais … Tu ne peux pas ! On compte sur toi ! J.E compte sur toi ! » Je le voyais tenter de se calmer. Il soupira. Décidemment, je crois bien que j’avais gâché sa journée. Il continua d’une voix plutôt agacée. « De plus, tu n’as rien volé du tout. Il fit une petite pause comme s’il cherchait ses mots. Tu as entendu des chats dire ça ? N’importe quoi ! Il feula d’un air agressif. Ne les écoute pas ! Tu y es autant à ta place que Etoile du Dragon et ceux qui l’ont précédé ! » Je soupirais. Il ne pouvait pas comprendre. Il n’était pas à ma place bien qu’il veuille m’aider. Il ne peut pas comprendre comme moi, je n’y arrive pas avec lui.

Tu dis que je n’ai rien volé, mais je le sens bien au fond de toi que tu voudrais ma place. Même si tu ne te l’avoues pas. Les chats ne le disent pas, ils ne le disent pas. Ils préfèrent te le montrer doucement pour que tu t’en aperçoive que progressivement. Pour que la plaie s’infecte de plus en plus. C’est pour ça que je n’ai pas besoin de les écouter. C’est simple, il me suffit de les regarder. Je ne peux pas lire en eux, mais je peux lire en leur regard. Etoile du Dragon serait déçu de me voir dans cette situation. Mais que pouvais je faire contre tous ces préjugés dont on m’afflige. Je peux me battre mais cette image ne disparaîtra pas à moins que l’on m’y aide. Ce fut à mon tour de lâcher un soupir. « Tu sais, je n’ai pas besoin de les entendre parler de moi. Je le vois dans leurs yeux. C’est mon rôle de les connaître après tout. Je sais bien qu’Etoile du Dragon serait déçu. Je tournais la tête. L’évoquer me rendait toujours très nostalgique après tout ce que j’avais vécu. Mais que puis je bien faire contre ce que les autres pensent de moi sans même me laisser une chance ? Je veux bien me battre, mais je ne suis pas un super chat ! Tous mes gestes sont regardés pour voir si je serais à la hauteur. Tout le monde garde en tête notre défunt meneur, je ne peux leur en vouloir, il était si parfait. » Des larmes de ragent se mettaient à couler de mes yeux. J’enfonçais les pattes dans le sol. J’en avais bien assez de tous ces regards. C’est décidé, je vais me battre. Pour que l’on voit qu’Etoile du Dragon a sut choisir un remplaçant qui pourrait le dépasser. Je ne l’oublierais jamais. Je m’aiderais de ce qu’il avait déjà bâti et je m’en servirais.

Pas besoin de lunette pour voir que mes propos étaient bien en train d’énerver mon lieutenant. C’était moi qui venais de créer une ambiance lourde dans la tanière. Je me demandais si finalement c’était une bonne idée de lui faire partager mes pensées. Apparemment, non. Je ne voulais pas créer de conflit mais c’est tout ce que je savais faire, il faut croire. Il plongea son regard dans le mien et je sentais bien ce qui allait suivre. Je soufflais un bon coup pour me préparer à ce qu’il allait me dire. Il prit une voix assurée. Je pouvais sentir à des kilomètres son assurance, il était bien parti pour me convaincre. Je ne pouvais lui en vouloir et en même temps, je me rendais compte que toutes ses paroles me donnaient envie de me battre encore plus pour garder ma place et surtout pour ne plus me laisser atteindre par ce que l’on pouvait me dire. Néanmoins, j’écoutais tout de même ce qu’il voulait me dire. « Il était parfait et a toujours fait des choix parfaits, tu entends ! Y compris te choisir comme son successeur ! » Il fit une pause, alors que je l’encourageais du regard pour qu’il continue. Il reprit alors plus doucement. « Tu dois avoir confiance en toi. Montre aux autres que tu es aussi super que Etoile du Dragon et qu’il a bien faire de te choisir…. ! » Comme pour me dire qu’il avait fini de parler, il m’offrit un joli sourire. Je sentis un bout de sa queue sur mon épaule comme signe d’encouragement. Je ne devais me laisser abattre. Les préjugés des autres, je devais passer au dessus comme s’il ne m’avait jamais atteint. Je suis qui je suis, je n’ai pas à changer pour les autres. Et si on m’a nommé au dernier moment, c’est que j’en valais sûrement la peine. Je n’avais pas le droit de refuser cet honneur que l’on m’avait fait par simple égoïsme. Et par ce que je ne m’en sentais pas capable moi-même. Non, je devais passer au dessus de ça et me battre dignement comme l’aurait voulu Etoile de Dragon. Mon regard se changea en une seconde. Je me sentais plus forte, plus libérée d’un poids sur mes épaules, je  me sentais rassurée, je ne sais pas comment, ni pourquoi mais maintenant, j’avais vraiment en envie de faire honneur aux anciens meneurs du clan de l’herbe. Ils avaient tous su se démarquer par une raison ou une autre.  Je me devais pour la fierté de mon clan, en faire autant. M’assumer, et aussi assumer mes idées et les mettre en avant. Jusqu’à présent, j’ai toujours su me taire, m’effacer et attendra que le temps passe en gardant tout pour moi. Je crois qu’il est temps que je me démarque un peu. Je comprends l’indignation que j’ai soulevée. Si discrète que personne ne savait que j’existais. C’est donc normal qu’ils pensent qu’une inconnue ne peut guider leur clan. Sur ce point là, je ne peux leur en vouloir puisque c’est en partie ma faute. Mais je promets que je vais me rattraper. Je vais m’accrocher pour que l’on m’accepte qu’importe le temps que cela prendra du moment que le clan reste soudé et qu’il ne se sépare pas en deux parties, juste à cause de moi. « Tu as raison. Sur tous les points. Je me dois d’honorer la dernière décision d’Etoile du Dragon. » Oui, au moins pour lui pour se père qui m’avait recueillis après la mort subite de mes parents. Il m’avait aidé à me relever et je ne pense pas qu’il ai fait ça pour me voir rechuter quelques temps après sa mort à cause d’un privilège qu’il m’avait fait. Je ne devais pas me laisser emporter par tout ce flot d’émotion. Je devais simplement suivre mon cœur et tout irait bien puisque notre défunt meneur est dans mon cœur. Je sais que je peux sentir sa présence à mes côtés, il veille sur moi comme je l’ai veillé à sa mort. Je suis ravie d’avoir pu le rencontrer, et maintenant, grâce à Chant des Blizzards, je peux enfin sortir de ma torpeur. « Merci pour tout ce que tu m’as dis. Tu m’as en quelque sorte, ouvert les yeux. Je sais ce que je dois faire maintenant. Merci du fond du cœur. » Je ne saurais jamais le remercier assez pour tout ce réconfort moral qu’il m’apporte. S’il n’avait pas été là, je ne sais pas ce que j’aurais fait. Néanmoins, je lui dois une fière chandelle pour tout ce qu’il a fait pour moi et je sais que ça n’a pas du être facile, vu la loque que je devais être. Il avait supporté les paroles d’une meneuse mal dans sa peau, et avait su l’aider, sincèrement, il avait tant l’étoffe d’un chef. Mais je ne dois pas repartir sur ce sujet, sinon, je pourrais encore avoir des doutes, et les doutes ne sont pas les bienvenue dans ma tête en ces temps si difficiles.