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Orion marchait. Il vagabondait lentement, posément, prenant le temps de regarder le paysage qui défilait sous ses yeux. C'était une fin d'après midi, les nuages voilaient le ciel et s'amassaient en gros tas compact. L'air était lourd de menaces, électrique et l'on pouvait sentir le vent forcer au dessus de nos têtes, sans doute un orage en prévision. C'est pourquoi Orion prenait son temps, n'ayant pas de timing précis à respecter, il n'était pas pressé. Le mâle entendait parfaitement le déchaînement des éléments approcher, le tonnerre gronder au lointain et la pluie s'abattre plus loin dans les terres mais il n'en pressait pas pour autant l'allure. Il aimait l'orage. Cela ne lui faisait pas peur, ça l'apaisait même plus qu'autre chose. Le fait est qu'il avait vu le jour - ou plutôt la nuit - une nuit d'orage. Il se souvenait, comme si s'eut été hier, du bruit assourdissant de la foudre, du tambourinement incessant de la pluie contre les parois de la tanière et des pleurs apeurés de ses frères et sœurs. En y repensant Orion fut saisit d'une vague nostalgie et se demanda ce qu'étaient devenus les survivants de sa portée, s'ils étaient toujours de ce monde ... Mais au fond il n'en avait plus grand chose à faire. Tout ce qui l'importait n'avait qu'un nom : Orion. Il ne se préoccupait que de lui même et ça lui suffisait largement. Bien sûr il y avait sa vengeance, son éternel besoin de faire souffrir ces jolies dames en leur volant leurs cœurs, mais cette vengeance avait besoin de moins d'attention qu'Orion lui même. Et sa personne passait avant tout le reste.
Bientôt ses pattes le menèrent à un champs tout juste moissonné, vaste et s'étendant à perte de vue. Orion scruta le paysage d'un œil supérieur et dévala tranquillement, au petit trot, la colline sur laquelle il se trouvait qui surplombait l'étendue. Une fine pluie, plus communément appelée bruine, s'était mise  à tomber, rendant le sol glissant sous les pattes et le pelage du mâle piqueté de petites gouttelettes. Arrivé au pied de la bute le solitaire continua son chemin en obliquant vers la droite, là où quelques arbres larges et épais bordaient le champs sur une bonne partie de sa longueur. À couvert des arbres le matou charbonneux remarqua un petit court d'eau peu profond qui serpentait entre les arbres et disparaissait dans l'ombre des sous bois. Il se pencha et se désaltéra un moment laissant ses pattes avant tremper légèrement dans l'onde fraîche et cristalline. Se relevant Orion nota que l'orage l'avait rejoint et éclatait en de multiples éclairs fracassant, sonnant aux oreilles du solitaire comme une douce mélopée, et créant des jeux de lumières ; un moment plus sombre et soudainement un flash de lumière vous aveuglait, éclairant tout aux alentours. Il secoua nonchalamment la tête et baissa les yeux vers son reflet ; l'image que lui renvoyait l'eau le satisfaisait et il s'autorisa un petit sourire méchant à lui même. Diable parmi les éléments déchainés.
Une odeur, féline, vînt lui titiller les sens olfactifs et Orion plissa les yeux une lueur froide flottant au fond de ces derniers. Mâle ou femelle il était encore trop tôt pour savoir, mais, agacé d'être dérangé dans ce moment de pleine satisfaction, Orion se jura que le félin en question en payerai les conséquences. À plein tarif.

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Et pendant un instant le silence fut le maître du monde. Pendant un instant le tonnerre ne gronda plus, la pluie fut comme figée dans sa course et les éclairs cessèrent de zébrer le ciel de leur feu électrique. C'était comme si le temps s'était arrêté, comme si le monde tout entier retenait son souffle, creusant un sillon de silence tout autour du vagabond qui tendait l'oreille, tentant d'identifier ce qui approchait là. Et il entendit, d'abord en un bruit mat et étouffé puis plus distinctement comme si le son se rapprochait, des bruits de pas légers, dansant tel une plume dans le ciel.
Et l'orage repartit de plus belle, se déchaînant comme un beau diable, usant de ses éléments contre notre très chère terre. La pluie martelait comme une forcenée et réussit même à se glisser entre les épais feuillages des chênes, glissant sur les branches et les feuilles et venant gouter un peu partout entre les branchages.
Ploc. Une perle de pluie atterrit sur le crâne d'Orion le déconcentrant un instant dans sa tâche de débusque. Il tiqua de l'oreille, agacé et reporta son attention vers la direction dans laquelle il avait entendue cette démarche aérienne, digne de la plus gracieuse des créatures. L'odeur, bien que difficile à percevoir à cause de l'humidité de la pluie, était toujours présente et même plus proche, plus prononcé. Hypnotisé le solitaire se leva et fit quelque pas, s'orientant plus à l'odeur qu'à la vue. Il la sentait, là, tout près.

« Montre - toi. »

La voix, faible souffle à peine perceptible parmi les rafales, était aiguë et elle lui intimait un ordre. Frémissant de convoitise Orion prit son temps, lissant un ou deux poils retords à gauche ou à droite. Il sentait ce cœur palpiter comme l'aile d'un petit oiseau, juste à côté, à portée de patte. Il entendait cette âme vibrer derrière ce cœur, cette âme qui savait qu'il était là, lui, ce voleur de cœurs. Oh comme Orion le voulais, comme il avait envie de l'avoir, de l'ajouter à sa collection, ce petit cœur, rien qu'à lui. Le sien.
Coulant un joli sourire à ses lèvres le matou s'avança à découvert. Là, encore légèrement à l'abris des sous bois, se tenait la plus délicate, la plus élégante créature qui fut sur terre. La reine d'entre les reines. Bien sûr Orion n'en pensait rien, à ses yeux, la femelle qui se dressait en cet endroit n'était pas bien différente des autres, simplement il se disait juste cela pour mieux jouer son rôle de prince charmant. Reprenons, elle était blanche comme la plus pure des roses et son pelage soyeux et lustré semblait danser sur son corps fin et longiligne. Ses yeux aux jolis cils étaient bleus, cristallins et resplendissants telle l'eau qui coule dans les sources fraîches. Ses traits étaient joliment dessinés sur son minois expressif et à la tête qu'abordait la femelle l'on pouvait deviner le caractère bien trempé qu'elle possédait. Une rebelle, donc ... Intéressant.  
Orion choisit d'aborder cette demoiselle doucement et gentiment. Peut - être se trompait - il en jouant cette carte là mais peut lui importait, c'est en faisant des erreurs que l'on cernait le mieux sa proie, après tout.
Après l'avoir longuement dévisage avec un petit sourire timide sur les lèvres le solitaire s'assit calmement et enroula sa queue au bout sombre autour de ses pattes. Redressant le visage et les oreilles, qui pointèrent en direction de l'inconnue, Orion se se détendit un peu et posa un regard chaleureux sur la reine blanche.

« Je me suis montré, j'espère ne pas avoir été trop long. Vous n'êtes pas trop trempée ? »

Demanda le solitaire d'un ton chaleureux en forçant la voix pour couvrir le fracas de la foudre, accompagnant ses paroles d'un léger mouvement de tête vers la fin des bois où la pluie tombait à verse et où le vent soufflait.
Il soupira d'aise intérieurement, il aimait jouer à ce petit jeu du chat et de la souris. Jouer avec le feu ne lui faisait pas peur, bien que les flammes le brûlent parfois il ne s'en lassait pas. Il ne s'en lasserait jamais.

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Alors il comprit son erreur. Que la femelle face à lui n'était pas n'importe qui, pas comme toutes ces autres demoiselles aveuglées par leur recherche de l'amour véritable, de celui qui dure. Elle était au dessus, elle voyait parfaitement clair dans son jeu, comme si la femelle possédait un troisième œil qui se situait en Orion lui même. À cette pensée le solitaire grimaça légèrement avant d'effacer aussi sec cette mimique et de la remplacer par son sourire chaleureux, quelque peu fané désormais, il fallait le préciser. Au diable aille cette stupide féline et peu importe qu'elle ne soit pas aussi docile que désirée, le solitaire trouverait le moyen de la caresser dans le sens du poil. Il arqua un sourcil et fixa son interlocutrice d'un air interrogateur, attendant patiemment que cette dame daigne lui répondre.

L'orage grondait toujours et gagnait en puissance à chaque instant, la pluie, infinie, commençait déjà à former de petits courants au sol et le ruisseau dans lequel s'était abreuvé le vagabond se mettait à enfler dangereusement, de petites vaguelettes venant, à présent, s'échouer régulièrement sur ses berges.
Crak. La foudre s'abattit sur un grand saule pleureur à l'horizon et l'arbre éclata littéralement comme un verre qui se brise. Fasciné par ce phénomène, Orion plissa les yeux et pencha la tête sur le côté en direction des lambris du végétal, une lueur de convoitise brûlante au fond des yeux. Oh ... Si en cet instant le solitaire avait eut le pouvoir de faire éclater ses demoiselles, damoiseaux et autres produits de potentielle vengeance tout aurait été beaucoup plus simple. Une petite implosion et tout serait bien vite réglé.
Paf. Et y a plus.

« Quelle question. Étoile du Présage, meneuse du Clan des Océans. Puis-je savoir à qui j'ai affaire si ce n'est trop vous demander ? »

Ah oui, pardon, quelle évidence ...
Et en plus de cela la belle employait ce petit ton ironique et supérieur qu'Orion ne pouvait même pas voir en rêve ? Haha, c'est qu'elle commençait à lui plaire, d'une drôle de façon, certes, cette minette. Elle jouait le jeu, parfaitement, bien qu'elle savait déjà, à peu près, à qui elle avait affaire. Voilà qui devenait intéressant. Et alors comme cela la dite Étoile du Présage était chef de l'un des cinq clans de la forêt ? Doublement intéressant.
Orion inclina la tête en direction de la reine blanche et lui sourit avec une pointe d'ironie, notons le, le regard rieur et enfantin.

« Si c'est trop me demander ? Oh bien sûr que non mademoiselle ... Mon nom est Orion. Rien de plus simple n'es ce pas ? »

Miaula le mâle à la robe argent striée de noir d'un ton légèrement moqueur, toujours souriant. Il savait, maintenant, que cette Étoile du Présage présenterai sans doute quelques difficultés ... Mais qu'importe, si le charmeur sans fois ni lois ne lui prenait pas son cœur aujourd'hui il l'aurait demain. Car demain est un autre jour, dit - on.

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Certes l'orage grondait, les éclairs zébraient le firmament et la pluie crépitait au sol comme un feu liquide. Certes les éléments hystériques faisaient tout leur possible pour attirer l'attention sur leur étrange et dangereux ballet ... Certes. Mais Orion était devenu comme sourd et aveugle à leurs pitreries. Il ne voyait plus qu'elle. Elle, ce petit bout de femelle, croyant avoir souffert, croyant avoir connu, croyant avoir su. Croyant avoir aimé. Tout deux se défiaient du regard, tout deux lisaient en l'autre comme en un livre ouvert, comme s'ils étaient de vieux amis qui connaissaient les moindres secrets de l'autre. Tout deux jouaient. Chacun dans son rôle. Chacun à sa place. Ils jouaient à ce jeu risqué, dont l'unique but était de briser l'autre mentalement. De l'abattre.

Orion voyait bien qu'elle ne l'appréciait pas. Il voyait bien, sur sa façon de le regarder, sur les discrètes mimiques de ses traits et sur les plissures aux coins de ses lèvres, qu'Étoile du Présage le pensait stupide, idiot et sans ruse. Seulement voilà, la belle dame se trompait. Au plus haut point. Bien sûr, Orion n'était pas un érudit et encore moins un chat savant, non. Simplement, en tout vagabond qu'il était, le solitaire savait penser, réfléchir et analyser. Et voici ce qu'il comprit de la minette blanche aux yeux bleuets ; elle ne lui servirait pas. Son cœur était déjà prit. Ailleurs. Ce même cœur avait été déjà trop manipulé et n'avait plus la splendeur des jeunes et pures âmes encore inabusées. Non, ce cœur là était gris et terne. Bref, sans intérêt. Oh ... Évidement si le mâle charbon avait vraiment voulut trouver une certaine splendeur à cette âme il aurait pu ... Mais, indulgent, il avait préféré fermer les yeux et passer à côté, tel un aveugle passe à côté d'un trésor sans s'en rendre compte.
Elle avait peut - être une certaine beauté de l'extérieur mais à l'intérieur elle était toute racornie. Pourrie.
Alors Orion changea radicalement de visage. Il se transforma. Son visage perdit ce sourire charmeur et sa gueule devînt dépourvue de tout, ses yeux abandonnèrent cet éclat faussement joyeux pour le remplacer par une lueur neutre et légèrement ironique, sa queue descendit doucement à terre et s'enroula autour des pattes du matou qui s'assit. Après tout quel intérêt de jouer la comédie maintenant qu'il n'avait plus personne à tromper ? Il serait vrai et honnête, utilisant ses multiples personnalités pour être et non pour paraître.

« Solitaire. De la pire espèce certainement. Bon, j'ai à faire. »

Ce qui revenait à dire ; c'est pas que tu m'ennuie mais un peu donc faut pas abuser, et puis vu le sang qui coule dans tes veines je vois pas pourquoi je m'éterniserai avec un batard. À plus.
Elle venait, pour résumer, de l'insulter. C'était vilain, c'était fourbe, c'était méchant. C'était une insulte. Bien sûr la femelle blanche n'avait pas à se poser la question de son ascendance, elle, était née au sein d'un clan avec deux parents pour l'aimer et tout un régiment de chats pour la défendre en cadeau bonus. Elle avait grandit dans un entourage aimant et même si, supposons, elle n'avait pas été aimée les autres lui devaient au moins leur soutien, par fraternité. Contrairement au matou errant qui avait été élevé seul et avec peu de compagnie et qui avait été réduit très vite à se débrouiller par ses propres moyens. C'est l'exacte définition du terme solitude. Mais il ne s'en était jamais plaint et ne releva donc pas l'insulte bien qu'il comprit, à cet instant, qu'il avait affaire à une personne egocentrique, égoïste et un tantinet narcissique.
Sur ses mots la femelle leva donc le camp et entreprit de fausser compagnie à Orion qui fixa d'un œil moqueur la demoiselle qui s'éloignait. Non, mademoiselle, non, non et non, il n'irait pas se trémousser pour la faire revenir. Elle voulait partir ? Qu'elle fasse, ce n'était plus un problème pour l'ermite.
Une dernière fois la dame blanche se retourna. Orion n'avait pas bougé de sous les arbres, toujours assis, contemplant, avec une pensée ironique, la femelle qui se faisait tremper par la pluie, plus par orgueil que par volonté.

« Faites ... »

Ronronna doucement le mâle, incertain sur la portée de ses paroles jusqu'au oreilles de la meneuse. Il ne savait pas vraiment qui des deux avait remporté cette partie de bras de fer - inachevée, certainement - ... Les deux sans doute.
Et tout était encore possible.