Les secondes me semblaient des minutes et les minutes elles-mêmes duraient des heures. Le temps passait, et je m’ennuyais à mourir. J’avais déjà fait deux fois le tour du camp, essayant de parler à tout le monde, mais tous étaient occupés. Et aujourd’hui, même les anciens avaient refusé de me raconter une histoire sur nos ancêtres. Je m’étais donc allongé devant la pouponnière, pour prendre le soleil et passer le temps. Mais j’étais un chaton hyperactif, je ne pouvais pas supporter de ne rien faire. J’avais l’impression de perdre mon temps, de le gâcher, alors qu’il était si précieux. Mais aujourd’hui, ma mère m’avait demandé de ne pas quitter le camp seul, car elle s’inquiétait pour moi lorsque je partais en excursion, et je lui avais promis. Seul…
Une idée me vint au moment même où j’aperçus Nuage de la Jungle, adossé sous un arbre du camp. J’aimais beaucoup ce jeune apprenti du Clan, et j’étais sûr qu’il en refuserait pas de m’accompagner à l’extérieur du camp. Après tout, maman avait dit que je ne devais pas sortir seul, mais elle ne m’avait pas interdit de partir accompagné. Un sourire joyeux, je m’approchais de l’apprenti qui somnolait. Jungle dormait profondément, sa longue queue frappant le sol d’un rythme régulier. Je me mis à miauler doucement et à mordiller sa queue pour le réveiller. Il se leva brusquement, et se tourna vers moi. Il avait l’air surpris, et tendit vers moi sa patte griffue et menaçante. Je compris que je ne devais plus jamais le réveiller ainsi. Je lui fis un petit sourire penaud, et il comprit que j’étais désolé. Il s’assit devant moi, me fixa droit dans les yeux et dit « Petit Mirage, tu t’ennuies? Si oui, bah.. puis il se pencha un peu plus vers moi, et continua à voix basse Je pourrai t'amener voir les territoires ». Mon visage s’illumina. Je n’avais pas besoin de lui demander, il se proposait seul ! Avec un grand sourire, je me mis à trépigner sur place, des étoiles dans les yeux. Jungle me comprenait, lui au moins ! Jungle était le fils du chef, Étoile du Vent, et il était vraiment très gentil avec moi et les autres chatons. Je l’aimais comme un frère, comme un meilleur ami. Il me protégeait, il m’aidait tout le temps. Je lui donnais un coup de langue sur le visage avant de m’écrier d’une voix surexcitée : « Oh oui, Jungle ! Oui, s’il te plait ! Je m’ennuis à mourir ici, je veux voir des territoires avec toi ! »