PV : NUAGE D'OMBRE.

« J'sais que j'marcherai jamais sur la lune, mais un jour j'marcherai sur ta tête. »

Je marche. J'avance. Toujours plus loin. Toujours plus vite. Où vais - je ? Aucune idée, car c'est plongé dans mes pensées que je chemine à travers le territoire du Clan des Océans. Je pense, oui. Ou plutôt je me pose des questions. Je n'ai pas les réponses à toutes les interrogations qui planent au dessus de moi. Il me manque encore des pièces du puzzle. Je m'interroge oui. Parfois des doutes me taraudent tels de gros nuages d'orage amoncelés au dessus de ma tête, prêts à éclater. Par exemple, ma principale interrogation est de savoir où est ma place. Oui, bien sûr je me sent bien dans mon Clan, j'y ai des amis, une semi famille, un mentor .. Que pourrait - on quémander de plus ? Des réponses, une lumière venant éclairer mon ombre, voilà, tout simplement. On me dit d'attendre, que je n'ai pas encore l'âge, mais, malheureusement pour eux la patience ne compte pas dans mes qualité, je dirais même que je suis plutôt impulsif et " va de l'avant " un peu trop peut - être. " Tu comprendras quand tu seras plus grand. " me disent - ils. N'importe quoi. Je vois bien qu'ils répugnent à me répondre. Je comprends, contrairement à ce qu'ils peuvent penser.

« Qui va là ? »

La voix me tira brutalement de mes songes éveillés et je relevais la tête, clignant des yeux. Mes pattes m'avaient portées jusqu'à une petite forêt, avec de jolis petits arbres pourvu de leurs nouveau feuillage de la nouvelle saison. Trop concentré dans mes pensées je n'avait aucune idée de l'endroit exact où je me trouvais mais une chose étais sûre, quelqu'un m'avais senti. Cherchant des yeux un endroit pour rester à couvert, camouflé dans cette verdure luxuriante, j’aspirai brièvement l'air qui m'entourait pour analyser les odeurs les plus proches. Primo, je ne me souvenais pas avoir franchi ni frontière, ni route donc, logiquement je me trouvais toujours en bordure des cinq clans de la forêt, secundo, le félin - car d'après l'odeur s'en était bien un - qui m'avait surpris ne portait pas l'odeur de mon Clan. Tertio .. rien du tout.
Je sorti du couvert des arbres d'un air assuré même si mon pelage était quelque peu ébouriffé pour signifier mon hostilité, le regard brillant et m'assis et dardant mon regard sur mon adversaire.

« Réfléchis un peu avant de poser des question idiotes, crois - tu franchement que je vais te sauter à la gorge ? »

Mon ton était ironique et acerbe et un sourire moqueur tordit mon visage. Pauvre petite chose. Avait - il - ou elle - peur au point de demander qui se trouvait dans ce coin là. Non, il ne fallait pas réfléchir, voyons. Fonçons plutôt tête bêche. Ce n'est pas drôle, sinon.

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« Je tiens à mon imperfection comme à ma raison d'être. »

Je n'avais pas bougé. Pas temps que je n'aurais pas ma réponse. Peut - être ai - je mal manipulé les mots qui sont sortis de ma bouche, peut - être était ce maladroit de ma part de débiter ces mots, les uns à la suite des autres sans même réfléchir. Peut - être. Mais, en fin de compte, je m'en fichais. L’inconnu pouvait penser ce qu'elle ou il voulait, se faire l'image qu'elle ou il désirait de moi, peu m'importais. Je savais parfaitement ce que je valais et ce dont j'étais capable. Après, les autres étaient libres de croire, de voir, de penser ce qu'ils voulaient, cela ne me toucherait jamais, j'étais trop hautement perché pour eux.

« Crois-tu que ta question ne l'est pas ? »

La hauteur de son timbre était aigu, j'en déduisit donc que l’inconnu en question était une femelle. Je n’attardais pourtant pas mon regard sur son apparence - étonnant moi qui d'habitude reluquait tout ce qui bougeait - et mon contentais simplement de la fixer dans le blanc des yeux, nullement impressionné par sa réponse sur la même longueur d'onde que mes paroles toutes récentes. Elle avait, je devais me l'avouer, des yeux assez déstabilisants et étant donné que ces deux prunelles étaient la seule chose que je fixais je ne pouvais pas faire autrement que de les remarquer. Bleu. Tel était leur teinte. Pas d'un bleu pâlichon ni cet azuré tape à l’œil et m'as - tu vu, oh non, bleu glaciaire. Polaire. Froid, froid, froid comme la plus glacée des nuits de mauvaise saison.
Pourtant, malgré ce regard, malgré ces yeux et cette attitude nullement touchée la minette ne me faisait ni chaud ni froid. Juste une sensation de vide, d'attente, d'exaltation du moment présent. Mais mon visage n'en montrait rien, ô non, ç'aurait été me trahir.

« Peut - être, mais peu m'importe. »

Que dire d'autre ? Je ne voyais pas quoi ajouter, tout avait été dit. Elle, me lançait quelques coups d’œils à la dérobée et avait entrepris de faire sa toilette. Où elle était idiote ou elle pensait que je ne représentais aucun danger. Je penchais pour la deuxième solution.
Me relâchant quelque peu sans pour autant cesser de la toiser je me donnais un coup de langue désinvolte sur le poitrail pour lissé les touffes de poils rebelles.

« Sinon, au lieu me dicter ce que je dois faire de ce que je ne dois pas faire, pourrais - tu plutôt te rendre utile et m'indiquer où nous trouvons nous ? »

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« Nous sommes presque tous pareils. Il est simplement plus facile de définir nos différences que nos similitudes. »

Tu sais je me perds, parfois. Oui, je me perds et je n'arrive plus à me retrouver. Embêtant. Je cherche, je farfouille mais rien à faire je ne me retrouve pas. J'ai cette impression de grand vide comme si plus rien ne comptait, comme s'il on m'avait arraché une partie de moi même, retiré mon âme. Je me sens las de vivre bien que ma vie soit à peine entamée.
Tu sais parfois je me sens seul, tout seul dans ce monde trop grand pour moi. Je me demande pourquoi et mon me réponds parce que. Mais rien ne me satisfait. Je veux des réponses, des vraies et pas des lambeaux d'explication, si on peut leur donner ce nom.
Tu sais parfois je me sent fort, invincible. Je vois les autres et ils me paraissent si loin, si éloignés de ma grandeur, de la perfection de mon être. Tous si petits, tous si insignifiants comparés à moi ; tellement puissant.
Tu sais, parfois, je me fais des illusions, comme ça. Ça part de rien mais ça fini en tout. Je voudrai y croire, tu sais, je voudrai le faire. J'y arriverai peut - être qui sait ?
Un jour, oui, un beau jour viendra ..

∞ ∞ ∞

« Je vois que je ne suis pas la seule ignorante. »

Je la regardais sans pour autant vraiment la voir. Tout n'était que formes floues et indistinctes. Juste une silhouette d'une blancheur pure comme l'ivoire, immaculé et à l'endroit où se trouvait le centre du visage deux petits éclats bleus délavés. Juste ça. Au fond elle devait sûrement avoir raison. J'étais ignorant. Ce qui me percuta c'est que c'était vrai. Oui, après tout j'étais né il y a une moitié de saison à peine, baptisé apprenti si récemment que je crois bien que j'étais le plus jeune apprenti de mon Clan .. Et après pour qui me prenais - je ? Rien de plus que pour quelqu'un d'important. Eh bah voyons donc. Elle au moins savait se tenir.
Mais .. Que m'arrivait - il ? Voilà que je me rabaissait, maintenant. Non, décidément je ne me comprendrai jamais. Je suis quelqu'un de complexe, je crois, c'est ce qui me rends unique .. Non ?

« Ah, eh bien nous voilà dans de beaux draps tiens. »

J'avais dit cela plus pour me rassurer moi que pour lui répondre à elle. Après tout si elle ne savait pas où nous nous trouvions c'était de sa faute, n'es ce pas ? Je n'y étais absolument pour rien. J'avais des problèmes beaucoup plus importants que de me demander où es ce que je m'étais dirigé. Et puis, c'est bien connu, les femelles savent où elles vont habituellement, non ? Ou alors peut - être s'était - elle trouvée dans les nuages, comme moi, jusqu'au moment de notre rencontre, sinon c'est qu'elle était vraiment aussi stupide qu'un mulot sur trois pattes et encore .. Déjà que les rongeurs ne sont pas très vifs ..
Je me levais et lui lançais un regard consterné puis, après avoir fait quelques pas lentement dans sa direction, le regard quelque peu perdu j’agitais impatiemment la queue et m'assit de nouveau, tendu.

« Quel est ton nom, alors. »

Au moins, ça avait le mérite d'être clair et direct. Et puis si elle me revoyait encore balader je jetterai l'éponge et passerais mon chemin. De toute façon, avec ou sans aide je retrouverai ma route. Je n'avais besoin de personne.

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« Ce ne sont pas ceux qui savent le mieux parler qui ont les meilleures choses à dire. »

Elle m’intriguais, c'est vrai. Mais je ne me l’admettrais jamais. Au fond, beaucoup de monde attise mon attention et ma convoitise mais je ne le montre pas, je ne le dis pas. Au contraire, je les raille et les rabaisse, pour être bien sûr que leurs cœurs ne sortiront jamais de tout le mal que je leur ai fais. Je suis jaloux. Je l'ai dis. Satisfait ? Oui, je suis jaloux, indécrottablement jaloux. Où que je regarde je vois toujours mieux que ce que j'ai. C'est bien meilleur dans l'assiette des autres, comme dit le proverbe. Et ce dicton a entièrement raison, d'ailleurs. C'est toujours mieux ailleurs, oh oui, car la plupart des autres ont des réponses, eux, au moins. Que ne donnerai – je pas pour des réponse. Vous allez sans doute me dire que je tourne en boucle et vous auriez raison de me le faire remarquer, mais ce n'est pas ma faute. Ce n'est jamais ma faute.

« Ombre. Nuage d’Ombre. »

Un instant je cru qu’elle mentionnait le Clan de l’Ombre, qui appartenait aux anciens Clans, aux temps révolus, et je réprimais un frisson.
Souvent, étant chaton, on m’avait conté ces histoires, ces contes anciens. Mais je ne savais si tout ce que l’on m’avait dis s’était vraiment produit ou non. J’avais, un gros doute concernant l’authenticité de ces fables, à vrai dire.
Donc la femelle s’appelait Nuage d’Ombre, jolie appellation, c’est vrai, mais bien sombre pour une apprentie. Surtout que son nom jurait fortement avec la couleur de son pelage qui était d’un blanc étincelant à vous en faire mal aux yeux. Elle paraissait triste, si j’osais dire, et effacée et malgré l’éclat de sa robe et la froideur de ses yeux je ne parvenais pas à m’enlever de la tête cette image de petite chatte repliée sur elle-même, seule. Mais je me trompais peut – être, qui sais.

« Et toi ? Qui es-tu ? »

Elle me demandait qui j’étais. Sûrement voulait – elle me demander par là quel était mon nom mais autre chose me frappa. Qui étais – je, vraiment ? C’est une chose que l’on apprend en grandissant. Mais grandir prends du temps et il faut y mettre de la volonté, de l’ardeur et de la patience. Encore et toujours attendre, comme si je n’étais pas suffisamment fort pour encaisser les réponses. Oui et puis après ? Ils n’en savent rien, ils n’ont jamais essayé de toute façon et si ça se trouve ils n’essayeront jamais. Grandir prend du temps, certes, mais si je n’avais pas envie, moi, de grandir, de passer ce cap ?
Et si je voulais rester comme je suis.

« Je suis Nuage de Frêne, du Clan des Océans. Mais je suppose que tu as déjà du entendre des histoires sur les mérites de nos plus valeureux guerriers. »

Perdant mon air impassible je me levais et bombant légèrement le torse je rentrais et sortais les griffes, les plongeaient avec délectation dans la terre meuble et douce sous le coussinet qui s’offrait à moi. Voilà ce que je voulais devenir une fois ma formation d’apprenti achevé ; le plus grand de tous les guerriers de la forêt. Je serai fort, puissant et respecté.
Un jour j’y arriverai, c’est sûr. Et ce jour là tous les lâches, tous les traîtres, tous les méchants trembleront rien qu’à la mention de mon nom.

PV : NUAGE D'OMBRE.


« La vérité est une bombe qui tue à la fois celui qui la lance que celui qui la reçoit. »

Je ne pensais pas faire mal, tu sais. Non, sincèrement je pensais même arranger les choses. Grosse erreur, apparemment car quoi que je dise, quoi que je fasse je suis soit mal entendu, donc mal reçut, soit je ne suis pas entendu du tout. Alors qu'ils se décident car leurs comportements m'exerce et engendrent sûrement le mien. Pourquoi mettent - ils mes erreurs sur mon compte. Oui je suis insolent, oui je suis buté, oui je suis vantard. Oui je suis jeune, bon sang. Le comprendront - ils un jour ? Pas sûr. Ils croient tout savoir, ils croient détenir les réponses à toutes les questions. Mais ce n'est pas vrai. D'eux ou de moi je crois bien que suis le plus sage de tous. Mais je me trompe peut - être, comme toujours. Ils ont tord pour certaines choses et raison pour d'autre. Il faudra bien qu'ils s'en rendent compte un jour. Par un moyen ou un autre.

« Tous les Clans ont une valeur. Il n'y a pas que le Clan des Océans. Ceux des Herbes et des Marais en ont une, tout comme ceux des Éclairs et des Nuages. Nous sommes tous égaux ici. Alors essaie de préserver la paix au lieu de causer des conflits. Personne ne mérite rien si il ne se rend pas compte de ses erreurs et si il est aveuglé. »

Alors c'est tout. C'est ça, seulement ça. Elle n'était pas bien différente des autres, tout compte fait. Que croyait - elle ? Que je suis insouciant à ce point ? Que je n'ai rien dans la tête. Alors elle se faisait des idées. Oui, comme moi elle croit cerner les gens avant même d'apprendre à les connaître. Comme les autres, comme moi peut - être, elle se trompe. Croyait - elle que c'est en me faisant la morale que mon impulsion allait redescendre ? Elle se faisait des illusions. Sa remarque m'avait, malgré tout, blessé ; je suis un être vivant après tout et comme tout le monde j'ai des sentiments, un cœur qui bat et un ego qui s'écorche facilement.

Je reculais de quelques pas sous l'impact de ses paroles, mon masque inexpressif évaporé comme la brume au soleil. Dans mes yeux brillait une toute nouvelle lueur ; semblable à de la haine mais en plus doux et plus léger, plus ténu, encore modestement mélangé à la volonté de rester calme.

« Crois - tu que je ne le sais pas ? Seulement il est normal de privilégier son Clan, non ? Et puis penses - tu que tes belles paroles me changeront ? On croirais que tu sais tout, qu'il est impossible pour toi de te tromper. Je ne suis pas aveugle. au contraire je vois très bien. Et je constate que les gens qui m'entourent ne sont qu'un ramassis d'incapables. Alors ça oui pour parler, sermonner et gronder il y a quelqu'un mais pour agir ; personne. »

Crachais - je. Oui, qui était - elle pour me dicter ma conduite ? J'essayais de faire au mieux, c'est cela qui compte. Et si je me trompais je chemin je pourrais toujours faire marche arrière et réparer mes erreurs. De toute façon personne n'est parfait.

PV : NUAGE D'OMBRE.


« Je suis la preuve que quelqu'un peu avoir mille masques dans son tiroir. »

L'avais - je blessée, avec mes paroles assassines ? Ce fut la question qui me vint à l'esprit lorsque je la vit baisser la tête, regrettant sans doute sa morale d'il y a un instant. Lors de ma tirade j'avais voulut lui rendre la monnaie de sa pièce mais pas au point de lui faire mal. J'espérais au moins lui avoir fait comprendre que j'étais libre. Libre de penser ce qu'il me plaisait, libre de crier si l'envie m'en prenait, libre de la griffer, libre de partir. Libre vous m'entendez. Je suis libre. Personne ne peut m'enfermer, ni me séquestrer. Personne n'en a le droit, c'est ça la liberté. Le fait de pouvoir parler sans que quelqu'un vous dise de vous taire, de bouger sans qu'on vous dise de rester immobile. Cela peut parfois sembler frustrant de ne pas pouvoir contrôler les autres, et j'en suis le premier à m'en plaindre, mais c'est la vie et la vie est injuste parfois.

Gardant mon calme je lissais, une fois de plus, les poils récalcitrants de mon poitrail et mon échine tout en jetant des coups d’œils à la dérobé à l'apprentie adverse. Je n'étais pas des plus à l'aise en sa compagnie, son attitude éteinte me troublant quelque peu. J'avais beaucoup plus l'habitude des chats énergiques et de bon entrain de mon Clan, de félins ne tenant pas plus en place que des chatons. J'avais l'habitude de gens comme moi en somme. Et pas cette pseudo féline inconstante, autoritaire et repliée. C'est comme, ou du moins c'était mon avis, si elle avait peur des autres .. Comme si elle préférait s'esseuler plutôt que d'avoir de la compagnie. Elle n'était pas des plus normales. Étrange même.

« Je ne sais pas tout. Je ne crois d'ailleurs rien savoir. Désolée. »

Décidément je ne comprendrai jamais rien aux filles. L'instant d'avant elle me faisait ses manières et voilà que maintenant elle s’excusait platement. Quelle drôle de petite chose. Intrigante créature oui.
Maintenant que mon poil était parfaitement lise et retombé sur mon corps je l'observais d'un air étonné. Oui, à vrai dire je ne m'était pas attendu à ce qu'elle capitule aussi vite .. Dans mon Clan les reines et autres apprenties avaient un tempérament de feu et n'en démordaient pas si facilement. Enfin c'est ce que j'ai pu constater lors de mes longues et interminables journées de chaton. Mais tout cela était révolu. Rien que des mauvais souvenirs, n'es ce pas ?

« T'es vraiment .. Bizarre. »

Je n'avais rien trouvé de mieux à dire pour cacher ma surprise. C'est mieux que rien mais bon .. De quoi avais - je l'air actuellement avec mes piètres réponses ? J'avais peur de paraître aussi effacé et transparent qu'elle, peur d'avoir perdu ma superbe. D'avoir l'air faible. Chose que je répugnais fortement.

Alors je cherchais réconfort dans le ciel. Là au moins le visage de Nuage d'Ombre ne me fixait pas avec cet air mi - gênée et mi - perdue. Il était bleu, ce ciel, et des petits moutons de nuages blancs poursuivaient leur éternelle course sans se douter de ce qui pouvait bien se passer en dessous. Le soleil brillait, c'est normal vous allez me dire, mais je me demandais combien de temps avait put s'écouler depuis ma rencontre avec la novice ennemie.
Autre interrogation, muette cette fois ci, qui resterait sans réponse.

PV : NUAGE D'OMBRE.


« – J'ai mal .. dit le Cœur. – Tu vas oublier .. dit le Temps. – Mais je vais toujours revenir .. dit la Mémoire. »

J'avais mal oui c'était vrai. Mais je ne le leur dirai jamais, il en découlait de ma fierté. Je ne me l'avouerais jamais mais je ne me sentais pas à l'aise avec cette minette au pelage immaculé et aux étranges yeux clairs, Nuage d'Ombre. Non. C'est fou comme une seule personne peut vous paralyser, vous enlever tous vos moyens jusqu'à vos plus petites défenses et vous laisser là, sans rien, vulnérable, tout nu. Ce n'était pas le cas, ou du moins pas encore avec l'apprentie des Éclairs, et j'en était fort soulagé, mais je sentais la chose venir, fourbe et encore cachée dans l'ombre, là quelque part attendant son heure. Et rien que d'y penser je sentais déjà appréhension ramper, monter dans ma tête comme une longue ombre menaçante.

Elle sourit. Pour la première fois, il me semble bien, depuis notre rencontre. C'était un joli sourire, magnifique. Et pour moi qui ne savait que grimacer ce fut comme une claque. L'imiter ç'aurait été me donner en spectacle ; ridicule, alors je pense bien qu'il était sage de ne pas tenter l’expérience. Elle était jolie, quand elle souriait, il fallait au moins que j’admette ça. Et puis franchement, une femelle c'est beaucoup plus attrayant quand c'est joyeux, que ça rit, et que ça sourit que lorsque ça chouine, ça pleure et ça se lamente sur son sort.

« Je sais, on me le dit assez souvent. »

Je n'avais rien à répondre à cela, alors je me taisais. J'ai beaucoup de choses à dire quand je veux, mais parfois il faut savoir se taire dit - on.

« Sinon, qu'est-ce qu'on fait maintenant qu'on est complètement paumés ? »

Ah oui, bonne question effectivement. Pour tout dire cela m'étonna d’abord de sa part et je ravalais péniblement une réplique cinglante. Ce n'était pas vraiment le moment de la railler car de ce que j'avais pus voir et entendre Nuage d'Ombre était plutôt une susceptible. Je ravalais donc ma salive, et la remarque acerbe avec, et fixa la petite femelle blanche, pensif.

« Eh bien ... Je ne sais pas moi. L'un de nous pourrait grimper à un arbre et regarder autour de lui si lui paysage lui dit quelque chose ou non. »

PV : NUAGE D'OMBRE.

« Et si tout ceci n'était qu'un rêve, chut .. Surtout ne réveillons pas celui qui dors. »

« C'est pas une idée qu'un guerrier expérimenté aurait eu mais pourquoi pas. De toute façon les arbres sont trop haut et n'ont pas d'écorce ici alors c'est peine perdue. »

Sa réponse me froissa. Et mes oreilles se rabattirent derechef contre mon crâne. Je n'aimais pas les gens qui me disent que j'ai tord. Et je les aimais encore moins lorsqu'ils ont raison d'avancer de tels propos. Habituellement j'aurais craché au visage de la personne mais une fois de plus je me retint et gardais mon calme ainsi que mon sang froid et inspirais un grand coup. Le pire c'est qu'elle avait raison la bougre ; les troncs des dit arbres étaient lisses et d'une blancheur peu commune, je n'en avais encore jamais vu. Seul quelques rayures d'écorces brunes ressortaient dans l'unicité des feuillus, tels des aplats de couleurs foncés qui n'avaient strictement rien à faire là.
Frustré, je lui lançais un regard accusateur et contrarié.

« On pourra toujours chercher plus tard. En attendant ça te dis de marcher un peu ? Cet endroit est magnifique alors autant en profiter. »

Elle n'attendit pas ma réponse et partie d'un côté choisit au pif au mètre. Je ne cache pas que je ne partageais pas vraiment son point de vue mais je ne dis rien et attendis que quelques secondes s'écoulent pour voir si Nuage d'Ombre allait attendre ma décision ou non. Rien. L'immaculée ne sembla même pas remarquer mon absence. Mes pattes firent alors deux ou trois foulées en sa direction avant de s'arrêter à nouveau, hésitantes. Lorsque l'apprentie du Clan des Éclairs avançait que l'endroit était magnifique je peinais à la croire .. Certes l'astre solaire brillait et la firmament revêtait un de ces plus beaux azur, et assurément la forêt avait une vive allure ; mystérieuse et secrète .. Mais au fond cela me donnait une impression de mal être, d'oppression. Comme si les bois refermaient une force ignorée de tous, une aura puissante et incontrôlable. Un peu comme une bête sauvage et sanguinaire. Brr .. Non pas que j’eus la trouille, et même si c'était le cas je ne le concéderai jamais même à moi, mais je n'aimais pas vraiment la sensation qui m'envahissait en ce lieu. Je préférais, d'ailleurs, mettre ce ressenti sur le compte du mal du pays. En effet sur mes terres les arbres étaient beaucoup plus rares et éparses qu'ici, remplacés par de multiples roseaux à la tige souple, s'agitant au gré de la bise littorale. De plus le sol n'était pas sec et compact sous la patte mais agréablement frais et humide.
Somme toute je me décidais à la suivre, ne désirant aucunement rester seul en cet étrange endroit. Agitant les moustaches de dépit je m’avançais jusqu'à sa hauteur, la queue remuant nerveusement de gauche à droite.

« Attends moi. » Grommelais - je à contre cœur. « J'arrive .. »

PV : NUAGE D'OMBRE.

« N’oubliez pas que je ne peux pas voir qui je suis, et que mon rôle se limite à être celui qui regarde dans le miroir. »

Un jour mon arrogance me mènera à ma propre perte. Je le sais, je le sent. Je le prévoit, assurément. C'est écrit. C'est gravé. Mais je suis comme cela, qui y peut quelque chose ? Je me souviens de comment tout a commencer, c'est simple d'ailleurs ; je suis né. Venu au monde, comme ça. Je n'avais rien demandé. Ça s'est fait, c'est tout. Oui je me rappelle de comment ça a commencé mais qui pourrai prévoir comme ça va finir ? Personne. Pourtant je voudrais prévoir les choses, savoir. Manipuler. Mais personne ne peut diriger le destin. Même pas les plus grands.
Même pas moi.

« Qu'est-ce que tu penses de notre forêt ? De ce nouveau départ dont on a tant entendu parler ..? »

Nuage d'Ombre brisa la première le silence dans lequel je m'étais réfugié. Nous avions avancé, il me semble, depuis que mes pattes m'avais lourdement traînés jusqu'à elle, sous la contrainte. Au départ je rechignais à marcher en sa compagnie, sa présence me mettant assez mal à l'aise, mais j'avais choisis la contrainte à la solitude. Choix que je regrettais à présent sous la pression que m'imposa brusquement sa question, venue d'un coup sans prévenir, comme un coup de griffe en traître. Dans le dos.
Que répondre ? Je ne savais .. Ce nouveau départ, comme elle disait, concernait tout le monde. Moi y compris. Mais malgré tout je ne me sentais pas vraiment visé par ce dit nouveau départ. Cette sorte de course à la dernière chance. Sans doute le poids de cette menace pèserait plus lourd sur mes épaules une fois mon initiation achevée et mes responsabilités acquises.
Pour tout dire je n'y avais jamais vraiment réfléchis. Je me contentais de vivre, sans trop me soucier de ce qu'avait bien put faire nos ancêtres par le passé. C'était le passé après tout .. Et on ne change pas le passé.
Je décidais alors d'être franc. Et de lui dire ce que je pensais vraiment .. même si cela devait se retourner en des sermons.

« Je ne sais pas vraiment .. Chaque avis est différent mais pour tout dire le mien ne prends pas un grande part sur ce sujet là. Peu m'importe enfaite. Ce qui est fait est fait non ? »

Je m'étonnais tout seul de ma franchise et de ma pseudo philosophie. Quelle folie me prenait ? Moi qui n'étais pas un grand fan des phrases sans queues ni tête, lancées par ceux qui se croient intelligents en balançant de tels propos alors qu'ils n'en sont que plus bête, voilà que je m'y mettais à mon tour à moitié .. Pff c'est sans doute à cause de cette apprentie adverse avec ses grandes tirades. Redescendons sur terre ; on ne me changera pas en un jour .. Si ce n'est pas du tout.

PV : NUAGE D'OMBRE.

« On parle beaucoup trop aux enfants du passé et pas assez de l'avenir. C'est - à - dire trop des autres et pas assez d'eux - mêmes. »

Donnez moi la nuit et ses étoiles. L'une pour m’envelopper de son sombre manteau dans les moments où je veut disparaître du regard des autres. Les autres pour m'éclairer de leurs douce et réconfortante lueurs dans les moments les plus noir où l'espoir n'est plus qu'un mirage. S'il vous plaît, offrez moi la nuit. Et le jour aussi. J'ai besoin d'y voir plus clair, surtout en ce moment même. Plus que quinconce.
Faîtes le, en toute confiance. Et je vous promets que jamais vous ne le regretterez. Enfin .. Je ne peux rien promettre, rien garantir. Mais je peux faire mon possible. C'est déjà ça non ?

∞ ∞ ∞

On marchais côté à côte. Je venais seulement de m'en rendre compte. D'abord cela me surpris, ayant peu l'habitude de la compagnie des autres surtout venant d'un autre Clan, puis me révulsa et les poils de mon échine s'hérissèrent à l'idée que je pouvais cheminer si près de l'ennemi. Après tout je ne la connaissais qu'à peine et j'avais accepté, comme un idiot, de cheminer à son côté .. Comme des amis. Urk. Rien qu'à ce simple mot un goût acide se répandait désagréablement dans ma bouche, imprégnant chaque papille de ma langue. J'avalais alors ma salive pour faire passer cette abominable saveur. Mais rien à faire .. Ça persistait.

« Désolée de t'embêter avec tout ça. »

Et elle baissa la tête. J'avoue que là j'avais grand mal à la suivre. Je n'aimais pas vraiment sa façon de répondre .. Comme si sa question avait été indiscrète. Bon, c'est vrai que lorsqu'elle me la posa je ne m'y étais ni attendu ni préparé mais bon. Ce n'était pas un crime de s’interroger ! J'étais le premier à poser des question alors pourquoi elle n'aurais pas eut le droit ? Enfaite je crois bien que j'aurai préféré qu'elle ne s’excusa pas car dans son ton et ses paroles je perçus de la gêne ce qui confirma bien l'idée que je m'étais faite sur son regret et ce qui ne fit qu'accentuer mon mécontentement. Elle n'avait franchement pas à s'excuser non de non ! Franchement ces femelles .. Toutes plus bêtes que les autres.

« Pourquoi t'excuses tu. » Dis - je sur un ton où perçait une froide colère intérieure. « Moi aussi je pose des questions, pleins même, et on ne me réponds pas. Et pourtant je ne demande pas pardon .. C'est pour les faibles qui se traînent, par peur, aux pattes de plus forts qu'eux. Je pense qu'on a tous le droit de savoir. »

C'était dit. Je ne pouvais plus changer mes propos maintenant, et je n'en avais aucunement l'intention de toute façon. C'est vrai quoi, les gens faibles, les peureux m'ulcèrent. Peut - être que ce n'était pas le cas de Nuage d'Ombre mais de ce qu'elle venait de dire c'est la conclusion que j'en tirais. Moi par exemple, je posais des tonnes de questions sur le pourquoi du comment, sur mes origines, sur tout mais on n'y répondait pas tout le temps voir presque jamais. Bien sûr, ça me frustrais plus que tout mais allais - je jusqu'à m'excuser ? Jamais ! Il en dépendait de ma fierté et mon honneur. Peut - être étais je blessant parfois mais tant pis. Il faut aller de l'avant ; il faut bien que quelqu'un dise ce que les autres n'osent pas mentionner non ?

PV : NUAGE D'OMBRE.

« Le comble de l'ignorance c'est d'ignorer qu'on est ignorant. »

« C'est vraiment comme ça que tu me vois en fait ? Comme une faible. C'est peut – être tout simplement que je manque de confiance en moi ou que je suis seule, tout le temps seule. Tu n'en sais rien. Tu juges sans connaître. »

Et encore une fois elle cracha, s'énerva. Tempêta. Mais pas violemment, enfin pas tellement, juste un peu .. Ô colère, toi, quand tu nous tiens. Tu peux nous faire de choses, tant d'actes sous ton emprise. Avec toi l'on se sent plus fort, plus agile plus rapide. Plus plus. Presque invincible si j'osais dire. Avec toi je pourrais presque aller décrocher la lune et les étoiles qui vont avec, comme un bonus.
Mais qui était – elle en fin de compte. Elle paraissait si frêle et cassable lorsqu'on lui jetait un coup d’œil à la dérobé. Malheur à celui qui s'y fiait car derrière son allure gentillette et soumise se cachait une langue de vipère bien acérée. Mes paroles n'avaient pas eut pour but de la blesser pourtant .. Et voilà que maintenant elle me postillonnait son venin à la figure. C'était brulant. Ça piquait. Ça faisait mal, là, à l'intérieur et j'en aurais hurlé de douleur si mes dents n'avaient pas étés si serrées, et mon corps si crispé pour me retenir de lui asséner un bon coup de patte à la tête. C'était juste des mots et pourtant je les reçus comme si mille épieux chauffés à blanc me transperçaient chaque partie de mon corps. J'enrageais.
La gueule à demie entrouverte, je ne pus m'empêcher de lâcher un sifflement. Doux son, pour mes oreilles, qui se transforma bien vite en un grondement belliqueux.

« Je ne juges pas sans connaître ! D’où te permets – tu de dire une telle chose ! C’est plutôt toi qui t’excuses pour rien ! Juste pour qu’on ai pitié de ta bêtise. »

J’étais hors de moi. Tout contrôle était évaporé. Comment aurais – je pus me maîtriser aussi ? Avec elle rien n’étais sûr. Rien n’était fait d’avance. On aurait presque put lui dire des mots gentils, des mots amicaux, des mots d’amours qu’elle l’aurait mal pris. J’avais juste voulu l’aider, m’apitoyer sur son sort en quelque sorte, et voilà qu’elle m’envoyait bouler. C’est bon j’avais compris .. Plus jamais je n’essayerai d’aider quiconque. Au moins c’est ce que cette saleté de rencontre m’aura appris.
Nuage d’Ombre commença à s’éloigner mais je ne fis rien pour la rappeler. Elle n’étais pas la seule victime de l’histoire .. Et même si au fond ma raison me hurlait d’aller m’excuser sur le champs, mon esprit, lui, me dictait de la laisser courir. Elle n’en valait pas la peine.
Pas plus que moi.