Il était tard, tard dans la nuit. Nuage de l’Anémone sortit discrètement du camp, trahit dans l’obscurité uniquement par la luminosité de la Lune et son pelage roux qui se voyait de loin. Je vous vois déjà vous demander : « Mais où allait-elle donc comme ça ? » Et bien, la veille elle n’avait presque rien fait, étant dispensée d’entrainement pour une cause qui lui était complètement obscure. La rouquine était restée comme une courge dans la tanière des apprentis. Ce n’est que le soir venu que lui est venu une idée, en entendant les anciens de son clan raconter des histoires aux chatons. Ils parlaient de l’Île Maudite. Ce lieu était bien connu chez les jeunes.
Autrefois, une bataille sanglante et meurtrière eut lieu là. De nombreux guerriers y  ont perdu la vie et beaucoup d’autres furent blessés. Quand elle était petite, elle et les autres petits étaient terrifiés des esprits malveillants qui habitaient le lieu. Mais maintenant qu’elle avait grandi, elle était plus curieuse vis-à-vis de ce lieu qu’autre chose. Et c’est là qu’elle se rendait cette nuit.
Ses yeux ambrés brillaient dans les ténèbres et bientôt, elle arriva près de la rive d’un étang pas très ragoûtant. Le vent qui soufflait faisait remuer ses eaux qui firent un bruit très perturbant. Nuage de l’Anémone avait un peu peur, mais elle était bien plus excitée par la situation que terrifiée. La féline sauta sur la première pierre qui formait le passage vers l’îlot. Elle faillit déraper et tomber à l’eau mais elle se rattrapa au dernier moment. Il fallait qu’elle fasse attention et qu’elle calcule ses pas sinon elle finirait par patauger dans la vase et elle n’en avait pas vraiment envie. Ses pupilles se firent fines et elle sauta de nouveau. Elle atterrit pile poil dessus, sans dépasser et la rouquine se dit alors qu’il fallait qu’elle fasse ça pour chaque pierre. Cela prendrait du temps mais c’était plus sûr. En plus si elle rentrait au camp trempé elle aurait des ennuis.
 
Nuage de l’Anémone arriva enfin de l’autre côté après ce qui lui sembla être une éternité. Elle était sèche et enfin libre de ses mouvements sur la terre ferme. La rouquine courut à travers cet endroit qu’elle visitait pour la première fois. À sa connaissance, jamais personne ne venait là, pour une raison qu’elle ignorait. Peut-être en respect pour les chats morts ici ? Peut-être bien. Elle s’en fichait pas mal d’un côté.
Elle trottinait sur la terre battue, se demandant comment cette guerre s’était réellement déroulée. Elle se doutait bien que les anciens rajoutaient des fioritures dans leurs contes. Alors qu’elle était perdue dans ses pensées pour 10 minutes presque, elle entendit des bruits de pas derrière elle. Quelqu’un venait d’arriver tout juste sur l’île. Si c’était un chat de son clan ça n’irait pas pour elle. Si c’était un chat d’un autre clan, elle lui ferait la peau et voilà. Mais en attendant elle ne pouvait pas rester à découvert ainsi. Elle se faufila bien vite entre des buissons et s’accroupit, en regardant le nouveau venu s’approcher à travers les branchages. Quand l’apprentie la reconnut, elle se dit que mieux valait pour elle qu’elle reste cachée. 




(Pas très super mais fait x) )

J’écoutais. J’écoutais la nuit. Le calme du soir. Les hiboux qui hululaient. Les grillons qui chantaient. Les roseaux qui bruissaient, balayés par la brise nocturne et douce. J’observais, aussi. Je fixais l’ombre opaque qui m’entourait. Je ne la craignais pas. Au contraire, c’était comme un cocon protecteur. Je m’y sentais bien. J’étais en sécurité. L’ambiance sombre et mystérieuse me rassurait. C’était ma place, mon environnement naturel. La nuit plutôt que le jour. Le froid plutôt que la chaleur. L’ombre plutôt que la lumière. Le mal plutôt que le bien. Les ténèbres. Le mystère.
Des bruits de pas. Une respiration. L’harmonie de la nuit est brisée. Quelqu’un est là, s’approche. Quelqu’un qui ne fait pas corps avec la nature, qui ne se font pas dans l’ombre. Quelqu’un en trop cette nuit-là. La paix nocturne s’échappe, disparait. L’intrus ne le sent pas, ne le remarque pas. Je relève la tête, scrute les alentours. Les bruits de pas s’éloignent. Je me lève, les suis. L’odeur est celle de mon Clan. Encore heureux. Un ennemi sur mes terres à cette heure-ci m’aurait fortement agacé. Le chat de voit pas que je suis là. Il ne me sent pas. Je suis là, sans vraiment l’être. Je suis une ombre parmi les ombres. Invisible, presque. Intouchable.
Je progresse derrière l’autre, sans qu’il se doute un instant de ma présence. Je le vois, hésitant, franchir un marécage en sautant maladroitement d’une pierre à l’autre. C’est un petit corps, frêle, faible. Un rayon de lune traversa les arbres sombres de la forêt et je pus distinguer la couleur de sa fourrure. Rousse. Je reconnus l’intrus. L’intruse. Nuage de l’Anémone. J’avais envie de lui hurler des réprimandes. De la surprendre pour qu’elle fasse un faux-pas et tombe dans la vase. Je me tais, pourtant. Je réfléchis. Pourquoi a-t-elle décidé de se rendre ici, sur l’Île Maudite ? Y retrouve-t-elle quelqu’un ? Il fallait que je sache. Dévoiler ma présence avant l’heure ferait tout foirer. Il fallait que je prenne l’apprentie au dépourvu. Cette-dernière avait rejoint l’île. A moi de la rejoindre. Je bondis sur les roches noires traversant les marécages avec facilité. Le silence régnait à nouveau. Mes pattes effleurèrent chaque pierre sans bruit. J’arrivais enfin sur l’îlot, mais y atterris lourdement. Nuage de l’Anémone m’avait sûrement entendue, mais je n’avais plus à me cacher. Je fis quelques pas, mon regard balayant les fourrés. Mes yeux perçaient l’obscurité, j’y voyais presque aussi bien qu’en plein jour. Depuis mon plus jeune âge, j’avais cette habitude de  sortir la nuit, de ne pas dormir. Mes pupilles s’y étaient habituées. Je n’entendais plus la respiration de l’apprentie rousse, mais entendait presque les battements de son cœur. Je suivis son odeur. Un nouveau rayon de lune m’éclaira, et j’aperçus enfin ma ‘proie’. Un sourire sadique apparut sur mon beau visage. Cette traque m’avait relaxée, mais les choses sérieuses commençaient maintenant…
« Sors de là. » ordonnais-je d’une voix puissante et autoritaire. « Arrête de te planquer comme une vulgaire souris. Je sais que tu es là. »

Nuage de l’Anémone grogna, mais elle s’empressa néanmoins de quitter sa cachette, sans opposer de résistance. Elle émergea de son buisson, la tête haute, apparemment très fière de s’être fait découvrir si minablement. Elle me fixa dans les yeux, et la lueur dans ses iris était plus provocatrice que soumise. Je soutenais son regard, la toisant d’un air dur et autoritaire. La petite prétentieuse s’approcha de moi, comme si de rien n’était. Je restais silencieuse, ne fis aucun commentaire sur son attitude. Je n’y faisais presque pas attention. L’apprentie me méprisait-elle ? Peut-être qu’elle se jugeait meilleure que moi, qu’une chatte de sa qualité ne devait pas me fréquenter, et encore moins obéir à mes ordres. Nuage de l’Anémone se présenta devant moins, comme prête à écouter mes sermons avec indifférence. Elle s’assit ensuite, avant d’enrouler sa queue rousse autour de ses pattes. Nous nous dévisagèrent une nouvelle fois, et nous étions si proches que je pouvais distinguer chaque trait de son visage, malgré l’obscurité ambiante. Je ne disais toujours rien, et nous aurions pu rester là jusqu’au lendemain si elle n’avait pas été faible au point d’essayer de se justifier.
« Je faisais rien de paranormal si tu voulais tout savoir. » déclara l’apprentie d’une voix hautaine. Sa tentative était stupide. Elle savait très bien que je ne céderais pas, que je ne serais pas gentille avec elle. Surtout que pour une fois, j’avais une raison d’être désagréable, ce n’était pas de la méchanceté gratuite, de la haine pure. Elle désobéissait aux règles, elle quittait le camp la nuit. Comme moi autrefois, j’en étais consciente, mais ne fis pas attention à ce détail. Je détestais reconnaître que j’avais des points communs avec Nuage de l’Anémone. Au moins, moi, lorsque j’étais encore apprentie, j’avais l’intelligence de me faire discrète quand je sortais le soir. Je la fusillais du regard, mes yeux brillant d’une lueur sanglante, comme chaque nuit. J’avais beau être encore jeune, on m’avait dit que j’étais impressionnante, que ma présence imposait le respect. Chacun de ces compliments me faisait gonfler de fierté. L’apprentie rousse devait sûrement me craindre, mais elle ne le montrait pas. Elle restait impassible. C’était déjà une grande preuve de maturité de ne pas montrer sa peur et ses autres sentiments, mais j’étais aveuglé par la haine et ne le remarquait pas.    
« Je le sais très bien. Cela fait presque une heure que je te suis. » miaulais-je d’un ton sarcastique. J’étais certaine qu’elle avait ignoré ma présence, depuis le moment où je la suivais jusqu’à notre arrivée sur l’îlot. Elle cacherait sa surprise, en apprenant que je l’avais suivi depuis si longtemps, elle essaierait peut-être de me faire croire qu’elle savait que j’étais là. Je me fichais d’elle, je me fichais de ses mensonges et de ses justifications. Elle n’avait aucune estime de ma part, aucune place dans mon cœur, excepté celle que je réservais à mes ennemis. Qui était-elle pour se comporter ainsi avec moi ? Qui était-elle pour me défier ? Son frère, Nuage Ténébreux, ne lui ressemblait aucunement. Il était totalement différent, il faisait partie de ceux que j’apprécie et qui méritent de faire partie du Clan des Marais. Je désirais enfoncer le clou. Avant que Nuage de l’Anémone puisse répondre quelque chose, je repris la parole, après lui avoir lancé un nouveau regard venimeux. « Pendant ce temps-là, j’ai pu admirer tes capacités, qui en effet n’ont rien d’extraordinaire, ou de paranormal comme tu le dis si bien. » ajoutais-je, ironique, faisant allusion au terme qu’elle avait utilisé dans sa précédente réplique.

Mes paroles avaient eu l’effet désiré. Nuage de l’Anémone paraissait hors d’elle. Mais ses feulements et ses grognements ne me faisaient pas peur. L’apprentie rousse ne m’intimidait pas. Je ne craignais personne, encore moins une novice qui savait juste se pavaner et narguer les autres. La jeune chatte se retenait de me sauter dessus. Mes remarques l’avaient blessé en son for intérieur. Elle était à deux doigts de perdre ses moyens, je voyais la rage dans ses yeux. Son visage laissait voir une incompréhension totale. Elle ne me croyait pas, elle n’arrivait pas à reconnaître qu’elle aurait pu être suivie ainsi sans s’en rendre compte. Nuage de l’Anémone parvint à reprendre ses moyens et se calma. Son regard restait agressif et venimeux, mais l’impact brutal de mes paroles s’était apaisé. Son attitude redevint celle de l’apprentie que je connaissais. Elle releva sa tête d’un geste fier, provocateur, avant de répliquer. « De toute façon, c’est sûr que je m’attendais pas à te tomber dessus, au beau milieu de la nuit à l’autre bout du territoire alors que tout le monde te croit roulée en boule sur ta litière… » feula-t-elle avec insolence. Ses paroles me laissèrent de marbre. J’avais déjà compris son petit jeu. Elle cherchait à m’agacer, à me faire sortir de mes gonds. Nuage de l’Anémone était assez vicieuse pour vouloir m’insupporter au point que je l’attaque. Elle serait alors la victime, et moi la méchante de l’histoire. Savait-elle que je ne lâcherais pas le morceau ? Que ma force morale me permettait de rester imperturbable et sourde à ses moqueries ? Je répondis à son sourire impertinent par une expression du visage semblable, pour lui montrer que sa réplique ne m’atteignait pas. Une lueur hostile brillait dans mon regard. Je voulais lui faire comprendre qu’elle avait perdu d’avance si elle voulait jouer à ça avec moi. J’aurais pu mettre fin à la discussion. J’aurais pu lui ordonner sévèrement de retourner au camp. Mais je n’en fis rien. Je prenais un malin plaisir à poursuivre ce combat verbal. Je voulais voir jusqu’où Nuage de l’Anémone irait. Je voulais tester son aplomb et sa répartie. Malgré la haine qu’elle m’inspirait, je voulais rester plus longtemps avec elle, en profiter pour l’observer. Ce tête à tête me permettait de voir son comportement naturel, sans qu’elle soit influencée par la présence de son frère, ou de son mentor.
« Tu es trop naïve, Nuage de l’Anémone. Tu ne t’y attendais pas, mais tu aurais pu l’envisager. Cette pensée aurait pu effleurer ton esprit si subtil. Le monde n’est pas tout rose. Même si tu as peu de chances de croiser quelqu’un à cette heure-là, tu n’es jamais en totale sécurité, le danger guette toujours. » répliquais-je, la voix lourde de sous-entendus. Mon ton était légèrement vexant, mais mes paroles reflétaient la vérité. Je prévenais la jeune apprentie, même si je ne l’appréciais pas. C’était mon rôle de meneuse. Je protégeais chaque membre de mon Clan, je le surveillais secrètement, toujours prête à agir et à leur porter secours. Je n’étais pas toujours là, je ne pouvais pas me trouver à tous les endroits à la fois, mais je faisais du mieux que je pouvais. Mais à vrai dire, lorsque j’avais suivi Nuage de l’Anémone, ce n’était pas un instinct de protection qui m’avait décidé, mais plutôt mon aversion envers la jeune apprentie. « Toi aussi tout le monde te croit endormie dans ta tanière, mais ça ne t’empêche pas de faire ta petite balade au clair de lune, n’est-ce pas ? » dis-je tranquillement, achevant ma petite leçon de morale, un sourire aux lèvres.

Maintenant que Nuage de l'anémone avait contrôle sa fourrure et l'avait faite revenir à sa place, elle devait lutter pour qu'elle ne se redresse pas immédiatement sur son échine. La meneuse restait complètement impassible visavis des paroles de la novice ce qui avait le don des la mettre hors d'elle. La rouquine se doutait que le but d'Etoile Funèbre était de l'enerver au maximum. Et s'il y avait bien quelque chose qu'elle voulait éviter c'était bien que sa rivale remporte ce petit combat verbal.
Nuage de l'Anemone garda sont regard ambré fier et un peu agressif pour ne plus lâcher des yeux son aînée qu'elle méprisait de plus en plus. Elle ne lâcherait pas l'affaire. Elle ne se le permettrait pas. Elle voulait prouver à sa cheffe qu'elle n'était pas juste une chatte insupportable qui ne sait que débiter des belles paroles. Elle voulait qu'elle sache qu'elle était bien pire que ça. Dans le regard de l'autre femelle brillait un scintillement hostile qui semblait la m,entre en garde du pétrin dans lequel elle se jetait en faisant ça. Mais la rouquine n'y prêtait pas attention et refusait de le voir. La meneuse miaula :
Tu es trop naïve, Nuage de l’Anémone. Tu ne t’y attendais pas, mais tu aurais pu l’envisager. Cette pensée aurait pu effleurer ton esprit si subtil. Le monde n’est pas tout rose. Même si tu as peu de chances de croiser quelqu’un à cette heure-là, tu n’es jamais en totale sécurité, le danger guette toujours.
Nuage de l'anémone soupira en levant les yeux au ciel. Et en plus elle lui faisait une leçon de morale ! Ce qui lui déplaisait le plus dans tout ça, c'est que la grande féline avait raison en tous point. L'apprentie aurait du être plus attentive au moindre petit bruit des sa sortie du camp. Ainsi elle aurait pu prévoir l'arrivée surprise de celle-ci. Et rien de toute cette rencontre stupide ne ce serait déroulé. Cependant, un point intriguait encore la jeune apprentie, qui viendrait à l'eclaircir un peu plus tard. Étoile Funèbre continua :
Toi aussi tout le monde te croit endormie dans ta tanière, mais ça ne t’empêche pas de faire ta petite balade au clair de lune, n’est-ce pas ?
La meneuse sourit en finissant sa phrase. Nuage de l'anémone, elle, soupira encore une fois. Si elle voulait sortir en solitaire en pleine nuit pour se promener dans ses territoires, c'est rien et certainement pas son couvre-feu qui allait l'en empêcher. Presque immédiatement, elle répliqua, le défi transparaissant dans sa voix :

– Savoir que les autres croient que je dors paisiblement dans ma tanière ne me dérangera jamais. *pause* D'ailleurs, si je ne dois pas sortir du camp "au clair de lune", pourquoi tu ne m'as pas arrêtée des que tu m'as vue ? Ça nous aurait évité cette scène ridicule à nous deux non ?
Nuage de l'anémone s'installa encore plus droite qu'elle ne l'était avant. Ses yeux d'un ambré vif luisaient dans la pénombre. Même si elle ne voyait pas grand chose, la novice voulait voir la réaction de sa supérieure à sa provocation. Peut-être qu'elle ne réagira pas du tout, comme elle l'avait déjà fait plus tôt. L'apprentie rousse espérait cependant que sa supérieure réagisse. En bien ou en mal.