Une larme, deux larmes, trois larmes. Je pleurais, pleurais jusqu'à ne plus le pouvoir. J'était triste, triste d'être seule. Déprimée de ne pas avoir de famille, de compagnon sur qui compter. Accablée d'être la seule à porter le poids lourd de mon rang de meneuse. C'était si dur, tous ces choix qu'imposaient ce rang, à prendre seule. Si au moins j'avais quelqu'un à mes côtés pour me réconforter, m'aider. Quelqu'un qui m'aimerait comme je le chérirai. Le compte de fée n'existait pas encore moins l'amour fallait-il croire. Alors je marchais, loin de tout, éloignée de tous mes problèmes, mes responsabilités, afin de toutes les oublier. En temps normal, je me sentirais nulle, lâche de tout quitter ainsi. Mais en ce moment précis, j'étais comme dans un été second, guidée par une seule obsession : partir. Je continuais sans relâche malgré la fatigue, traversant forêts et prairies, sans savoir où j'étais, sans savoir où j'allais. Mon esprit était embrouillé, ma vue était floue mais peu m'importait. J'étais sale, mes flancs souillés de griffures de ronces ou bien de boue. Après un certain temps que je ne saurais définir, je butai dans quelque chose de vivant et imposant. Je me trouvais dans une prairie, l'aube se levait et j'apercevais le soleil derrière la cime des arbres. Je ne connaissais cet endroit, sûrement situé loin du camp des Nuages si familier à mes yeux. Je bredouillais des excuses, le coeur battant, avant de relever mon regard noyé de larmes. Mon souffle se coupa lorsque je reconnus le chat que j'avais cogné. C'était lui. Ce chat si mystérieux, si beau, si intriguant. Celui pour qui tous mes regards étaient adressés lors d'assemblées. Celui qui me procurait une sensation étrange, que je n’éprouvais que pour lui. Le seul chat qui faisait accélérer mon pouls quand je le croisais. Oh non, je ne voulais qu'il me voit ainsi, larmoyante. Je baissais la tête, même si je savais pertinemment qu'il avait déjà remarqué mon état. Mais, que faisait-il ici ?

« Étoile Éphémère ! »

Oh non, il m'avait reconnu. Qu'allait-il penser de moi ? J'étais chef, et me voila sale, griffée de partout et trempée jusqu'à l'os. Sans oublier que j'étais loin des miens, située dans une prairie éloignée du camp des Nuages. Et, s'il racontait cela aux autres, par exemple à l'assemblée ? Je ne préférais ne pas y penser, sachant que ma punition serait lourde.

Il s'inclinait devant moi, agréable façon de me montrer le respect qu'il portait à mon égard. Je lui rendais son salut, son rang m'importait peu. Je levai mon regard en sa direction. J'aperçus une lueur curieuse dans ses belles prunelles. Cette curiosité ne tarda pas à se confirmer car il demanda :

« Que faites-vous si loin de votre clan, c'est dangereux... »

Que faisais-je ici ? Je ne savais pas ce qu'il m'avait pris, j'étais comme dans un état secondaire, n'étant plus capable de contrôler mes pensées encore moins mes mouvements. Je me souvenais d'une grande tristesse, venant d'une amère solitude. J'en étais encore malheureuse quoi que mon désespoir c'était tout de même atténué. Je soupirais longuement, chamboulée par toutes ces émotions. Que pouvais-je lui répondre ? Je ne savais pas. J'étais tellement boulversée par cet afflux d'émotions, que j'en avais perdu mes moyens. Je ne savais que répondre à ce matou qui faisait chavirer mon coeur à un simple regard. Mon coeur parla à ma place.

« A vrai dire, je ne le sais pas moi-même. Besoin d'être seule sans doute ... » dis-je d'une voix chevrotante.

Je le fixais de mon regard trouble, immobile.

Et lui que faisait-il ici ? Je n'y avais même pas penser, sans doute trop préoccupée à me demander ce que moi-même faisais-je ici. Où étais-je d'abord ? Je ne le savais pas, mais je m'en fichais, je n'étais pas seule.

Une lueur interrogatrice dans le regard, je lui murmurais un « Et toi ? », poussée par une soudaine curiosité.

« Je ne pense pas avoir de compte à te rendre et ce malgré tout le respect que je dois à quelqu'un de ton rang. »

Son ton glacial me poignarda, me faisant revenir à la raison. Pff, comment avais-je pu croire qu'il pourrait se montrer compatissant. Me comprendre. D'un autre sens, je ne pouvais lui en vouloir, je n'y arrivais pas ; car sa réaction était normale, il avait raison d'agir ainsi. J'avais eu tord en me montrant d'une telle manière, démunie ; misérable.

Qu'avais-je fait ?! Quelle image pitoyable avais-je montrer de mon clan, en faillissent ainsi à mes fonctions. Je me sentais lamentable d'être partie comme une lâche et de m'être montrer ainsi devant un chat d'un clan autre que le mien. Qu'avait-il pu me passer à l'esprit bon sang ?! Que je pouvais être égoïste ! Je m'en voulais d'avoir agi ainsi, ne pensant qu'à ma petite personne. Je devais me reprendre. Maintenant. Mon regard tantôt pitoyable fut remplacé par un fermé, ne laissant transparaître que ma soudaine détermination. J'allais me battre pour mon clan, tant pis si j'étais seule, il le fallait. J'avais été choisi par mon ancien chef puis par le Clan des Etoiles, je devais le faire pour eux, leur montrer que j'étais capable de tenir ces responsabilités. Je voulais lire de la fierté, du respect dans les yeux de mes compagnons et non ce regard froid que posait sur moi Griffe de Foudre. Je le regardais dans le blanc des yeux, prête à retourner au camp, mon chez moi. Mais quelque chose m'en retenait irrémédiablement, m'attirait vers ce chat séduisant. Une sensation nouvelle, différente de ce que je connaissais jusqu'à présent. Elle était si contradictoire de la relation qui nous liait en ce moment même. Cela m'agaçait de ne point savoir quelle était cette dernière et de ne pas la deviner. J'allais lui souhaiter un au revoir, ayant besoin de réfléchir à tout cela, à cette étrange émotion, sans lui dans les parages car il rendait mes pensées confuses, troubles. Mais, soudain, je le vis s'avancer vers moi, toutes griffes dehors. Une sentiment d'horreur profonde commença à m'envahir. Que voulait-il faire ? Se battre avec moi, meneuse du Clan des Nuages, dans un territoire libre ? Très bien. Je sortis mes griffe à mon tour, je voulais lui montrer de quoi j'étais capable, qu'il ne me prenne pas pour ce que je n'étais pas, une trouillarde. Mais je ne pouvais me jeter sur lui, quelque chose m'en retenait. Cela était si inaccoutumé. D'habitude je n'hésitais point si on me cherchait, mais là.. C'était lui, si dissemblable des autres. Je ne pouvais pas attaquer. Cela ne signifiait pas que je ne me défendrais pas. Je l'observais continuer de s'approcher, j'espérais encore qu'il ne se jetterais point sur moi quoi qu'infimement. J'allais bientôt le savoir, il n'était plus qu'à une queue de souris de moi. Le souffle coupé, j'attendais, ne pensant plus à rien.