Règle numéro 1; Toujours attaquer par l’arrière. ✝

Et tandis que les ténèbres engloutissaient le monde, ces félins à l’aspect langoureux revêtaient leur parure de diable et s’enfonçaient dans le néant de la mort. Scarification, perversion, strangulation, tout n’était qu’une question d’imagination. Imagination masochiste, certes. Mais imagination tout de même. Cette masse de serial killers foulaient le sol meuble du monde à pas feutrés. Des ricanements obscènes, des espoirs ironiques, tout n’était qu’un enchevêtrement de manipulations machiavéliques. Maîtres du Jeu, ces félins se délectaient du parfum exquis du sang, savourant leur repas de boyaux. Le Diable s’était présenté à eux et dans une lueur de défi, les avait faits ses enfants. Enfants du mal, pères du pêché. Ensorcelés d’une puissante magie noire, ils s’étaient imagés au pire cauchemar de tout être vivant.
Infâme Délice se vidait du liquide agrémentant ses tranchantes canines quand un bruit sourd lui fit dresser l’attention. Dans un grognement contenu, il reprit sa toilette, patiemment. Néanmoins, plus l’eau pure s’empourprait, plus l’odeur étrangère le tenaillait. Prenant soin de stopper ses mouvements dans un éclat muet, il écoutait la frêle respiration lui parvenant, l’oreille aux aguets. La délicate présence féminine l’emmena valser dans les étoiles le temps d’une inspiration. Rapide et silencieux, il contourna la minuscule clairière et se fondit dans la masse de broussailles. Depuis sa plus tendre enfance, les anciens lui avaient toujours enseignés cette règle comme celle d’or. Attaquer par derrière. Autant il avait la possibilité de traquer son ennemi s’il tentait la fuite, autant il pouvait méditer tranquillement l’attaque la plus efficace, en fonction de son adversaire. C’était la clé ; savoir débusquer le gibier par surprise, attaquer pendant ce court instant d’hésitation, déguster le goût de son horreur.
Le mâle tigré fit rouler son imposante musculature sous son pelage fourbe, puis s’approcha dans un maigre faisceau de lumière filtré à travers le feuillage dense des arbres. Bien que ses émotions n’aient cessées d’exister, il fut pris d’un mélange de surprise et de délice lorsque la belle se tint devint ses iris. D’une beauté sans pareille, la féline dégageait un aura de sensibilité mêlée à une profonde force. D’aspect délicat, fragile, une forte impression prit le mâle à la gorge. Celle que d’un moment à un autre, elle pourrait s’envoler, s’arracher à lui s’il risquait à expirer un souffle d’air. Aussi éphémère et gracieuse qu’une colombe, l’innocence de la dame l’obnubilait. Mais pendant un court instant de lucidité, le mâle parvint tant bien que mal à reprendre ses esprits. Ce soir, il se baladait seul. Il pourrait se revêtir du visage qu’il désirait, il était désormais Maître du Jeu. Il tenait les rênes, bien serrées. Ce soir, ce serait son moment de gloire.

« N’est-il pas tard pour qu’une dame se promène ainsi seule ? »

D’une voix claire et forte, il s’était adressé à elle. Le ton mystérieux -bien que chaleureux, il conservait sa mine impassible, à semi masquée dans l’ombre de l’encre. Le ciel était clair et la lune reflétait la sombre beauté du monde. Pensif, il inspecta cette multitude de lumières voguant dans le firmament. Décidément, c’était une belle nuit pour mourir.