C’était une belle matinée ensoleillée. Mes beaux yeux vairons étaient levés vers le ciel sans nuages. On m’avait dit que mon œil bleu avait parfaitement la couleur du ciel, et que mon œil vert avait celle de l’herbe fraiche. Cela me faisait sourire, et j’ignorais si c’était vrai. Après tout, je m’en fichais. J’étais comme j’étais, et je le resterais. Personne ne choisirait mon avenir pour moi, j’en serais le seul maître. Ces rêves d’enfants qui me berçaient n’étaient que des illusions, j’en étais conscient, mais j’y tenais. Je me doutais qu’un beau jour, je serais obligé de suivre, je ne pourrais pas faire ce que je veux. C’est ça la vie de Clan. La vie de groupe. Une vie de moutons après tout. Difficile de se faire une personnalité dans tout ça…
Je marchais tranquillement dans le camp, perdu dans mes pensées, la tête levée vers l’azur du ciel, mais une violente douleur me ramena bien vite à la réalité. Je fis un bond de surprise, tandis qu’un petit cri sortait de ma gorge. Les larmes aux yeux, je réussis néanmoins à apercevoir un peu de sang écarlate qui perlait au pour de ma patte droite. A cet instant, Nuage du Crépuscule, l’apprentie guérisseuse du Clan, sortit de l’antre d’Odyssée de l’Automne, sûrement alertée par mon hurlement aigu. Elle essaya de me calmer et de me rassurer, léchant la plaie pour apaiser la douleur lancinante de ma patte. Elle me demanda de rester là, le temps qu’elle aille chercher des herbes. De toute façon, je ne serais pas allé bien loin… Une fois qu’elle fut de retour, la jeune apprentie-guérisseuse entreprit de retirer l’épine seule. Odyssée de l’Automne, son mentor, était parti chercher des plantes en forêt, et elle devait se débrouiller seule. J’eus à nouveau un hoquet de douleur, mais je ne pleurai pas. Nuage du Crépuscule entoura ensuite ma patte pour que le sang arrête de couler, d’un geste de professionnelle.
« C'est fini mon petit. Tu es très courageux ! Comment t'es-tu fait ça ? » déclara-t-elle d’une voix joyeuse et rassurante. Elle me lécha l’oreille maternellement. La douleur avait totalement disparu, je me sentais beaucoup mieux. Que ferait le Clan sans guérisseurs ? Ils étaient si utiles lors des combats, mais aussi au quotidien. Je n’imaginais pas cette carrière pour moi, mais je remerciais de tous cœurs ceux qui la choisissaient. Je fis un grand sourire à Nuage du Crépuscule, et l’on pouvait voir toute ma reconnaissance dans mes yeux vairons. « Oh, merci Nuage du Crépuscule ! Ca va beaucoup mieux ! Je ne sais pas, je marchais, et là j’ai sentis cette douleur ! C’était la première fois je crois… » dis-je d’une petite voix. Je me rendis compte que je n’avais jamais vraiment parlé à l’apprentie guérisseuse, alors que j’étais si proche de son frère, Nuage de la Jungle. Ce petit bobo allait-il pouvoir nous rapprocher ?