PETITES EXPLICATIONS : Roses, c'est mon projet de roman pour le concours Black Moon. Qui va être lu et corrigé par mes deux profs de français de sixième et cinquième. C'est un peu l'histoire qui sort du lot.

PROLOGUE

Je crois bien que le monde plonge dans un néant sans limites, dans un tourbillon des frasques les plus folles. Je crois bien que nous sommes adolescents.

Elle dormait. Sur le dos, sur le ventre, sur le côté. Peu lui importait, et, pour nous, ce n'était pas non plus le détail le plus flagrant. Elle était dans un champ, vous savez, ces plaines de blé ou de maïs. Elle était nue aussi. Que faisait-elle là, plongée dans l'inconscience du sommeil avec le soleil pour seul compagnon de jeu ? Son corps était griffé. Sur les jambes, sur les bras, dans le dos. Une marque un peu trop rouge dans le cou faisait office de pendentif à un collier d'indépendance. Le cadavre de bouteille et la clope à demi-écrasée indiquaient qu'elle avait participé à l'une de ces soirées un peu trop festives, qui se finissaient souvent dans les bras d'un bel inconnu. Ou d'une belle inconnue. Oui, elle avait, enlacée entre ses bras, une belle brune à l'air sauvage. Nue, elle aussi. Elles semblaient soudées par un lien inébranlable.

Elle se réveillèrent. Presque en même temps. Nullement effrayées, elles se contemplèrent l'une l'autre avant de s'embrasser avec une hargne juvénile. Le seul problème, c'est qu'elles ne se rappelaient plus de rien. Plus de leur nom, de leur identité. En fait, la blague avait tourné court. Elles ne savaient plus qui elles étaient. Mues par leur peur respective, les deux adolescentes se serrèrent toutes deux, dans un mouvement criant de vérité. Cette vérité trop lourde à porter pour le monde.
Perdus au milieu de leur Liberté, tous oubliaient. La société de maintenant c'est l'argent, la drogue, le sexe et l'alcool. C'est offrir son corps, c'est vomir son soûl, c'est être amnésique. Tout fait partie du grand jeu auquel les jeunes d'aujourd'hui goûtent. Jusqu'à la mort.

CHAPITRE UN
« Rouge et noire. »

Un soleil de plomb s'infiltrait par les fenêtres de la cellule. Une fille était allongée, en pleine réflexion. Elle était blonde, grande et élancée et portait ces vêtements un peu trop larges à la mode dans ce coin du pays. Elle semblait lasse comme jamais, peut-être à cause de cette conduite en état d'ivresse ? Elle n'en savait rien, et elle s'en foutait. Elle n'avait pas de permis, pas de papiers. En fait elle n'avait rien d'autre qu'Elle, cette fille qui était liée à elle depuis cette folle nuit dans les champs. Cette nuit où elles avaient tout oublié.
Elle, c'était la brune, c'était son âme-soeur à présent. C'était sa Rose Noire. La mauvaise, la méchante des deux. Mais qu'est ce qu'elle l'aimait. En une seconde, elle avait su que c'était la bonne, l'idéale. Que c'était Elle ou rien. Elle l'avait choisie. Envers et contre tout. Et tous.
La Rose Noire, c'était venu du fait qu'elle n'avait pas - ou plus - de nom. Ne voulant pas se définir par une apostrophe banale, dénuée de sens, elles s'était surnommées Rose Noire et Rouge. Sombre pour la brune et vif pour la blonde. Mais l'heure n'était pas au souvenir, mais à la libération. Après une longue journée pour la dégriser et la sermonner, les gendarmes jetaient l'éponge et la rendaient aux bras de son amour.

En enlaçant Noire, Rouge avait su qu'elle avait supporté cette piètre cellule pour ça. Pour elle. Elle avait sur qu'elle n'avait attendu que ça, de la revoir. Qu'importaient la lumière du jour ou la liberté, du moment qu'elle était avec Elle. Embrassant avec passion la fille aux allures fauves, Rouge sentait croître le désir. L'envie de partager encore une fois son corps avec celle qu'elle aimait. Elle voulait s'en rappeler chaque détail.
Sentant ses caresses, Noire la repoussa. Gentiment. Elles étaient devant une gendarmerie après tout. Elle ne voulait plus être séparée de cette belle blonde. Après tout, qu'importait le souvenir pour notre brune du moment qu'elle partageait son amour avec Elle, mais Rouge voulait savoir qui elle était. Avant. Et, ne voulant pas la froisser, la belle Rose ténébreuse s'exécutait.
- Je t'aime Rouge, ma Rose.
- Moi aussi Noire, plus que tout, plus que ma vie.
Heureuse d'entendre sa réponse, la sombre fleur se dirigea lentement vers l'horizon, ne sachant pas très bien où elle allait.
- Partons et cherchons cette vie perdue.
Rouge la rattrapa vite et lui passa un bras autour du cou en l'embrassant tendrement.
- Oui.

- On a qu'à... voler une voiture, je sais pas moi !
Noire se tapa la main contre le front, signe de dépit. Quelle idée incongrue ! Voler une voiture, et puis quoi encore ? Rouge voulait-elle finir sa vie de débauche à moisir dans une cellule ?
- Non ! On marchera.
- Jusqu'à la ville ?
Acquiesçant doucement, la jolie brune prit la main de sa compagne. Elles étaient arrivées, au bout de deux heures de marche, sur une bordure de forêt, à manger des baies sauvages. Elles cherchaient à rejoindre la ville pour essayer de trouver des informations sur elles. Aussi infimes que précieuses.
Le cadre était joli : Des arbres en arrière plan, le ciel de fin d'été bleu comme l'azur et le sentier sablonneux tracé par le temps. Un endroit romantique et apaisant, en somme. Mais elles n'avaient pas le temps de se reposer ici, à la portée de tous les animaux sauvages qui traînaient, elles devaient trouver quelque chose de plus... protégé. Un squat par exemple. Justement, Noire avait repéré une sorte d'immeuble désaffecté, tagué de toutes parts et qui empestait la mort aux rats.
- Je sais où on va dormir cette nuit.
L'oeil interrogateur, la blonde regarda la jeune fille aux cheveux sombres. Qu'elle est belle, pensa-t-elle. Le désir qu'elle avait ressenti devant la gendarmerie n'avait fait qu'amplifier, seul son reste de conscience lui ordonnait de ne pas sauter sur son amour.
Reste de conscience car, oui, elle jugeait ne plus en avoir qu'une petite parcelle, comme si tout s'était envolé avec son passé. Seuls lui restaient son futur et son présent qu'elle se mettait à chérir comme la prunelle de ses yeux. Depuis cette fameuse nuit, elle vivait, avec sa Rose, d'alcool et d'une vie pas très catholique. À dormir dans des squats ou à même une bordure de route, elles avaient fini par s'habituer à n'être plus qu'un fléau pour cette société un peu trop ordonnée.
- J'ai repéré un immeuble désaffecté pas loin, ce sera moins dangereux que de se faire bouffer par les loups.
- Si tu le dis, Noire, marmonna Rouge d'un ton morose presque las.
La brune regarda la jeune fille avec un air un peu étonné, que lui arrivait-il ? Elle décida de ne pas s'arrêter sur cette réponse donnée presque avec regret, et commença à marcher. Marcher vers leur lieu de repos, vers cet asile empestant mais suintant la liberté par toutes les fissures. Elle aimait la liberté, Noire. Elle aimait se sentir voler vers de nouveaux horizons, sans savoir qui elle était, sans savoir pour quoi et pour qui elle vivait. Juste pour elle et moi, se dit-elle. Oui, elle se battait pour sa vie, pour ses racines, pour son avenir. Elle se battait pour cet amour, elle se battait pour son âme-soeur.
Écartant les bras, ressemblant à un oiseau, elle jouait à l'équilibriste sur un tronc de bois mort. Les yeux fermés, elle n'écoutait plus que la respiration de sa comparse, l'écoulement de la vie entre les nombreuses plantes et les bruissements des feuilles sous le vent chaud de fin d'été. Un bond dans les feuilles pour finir ce numéro d'équilibriste et un salut théâtrale. Elle aimait ça.
- Hé, chou, tu trouves pas que la vie c'est un peu la roulette russe ?
Rouge avait demandé ça, à voix haute mais dans un murmure semblable à une pensée torturée, volatile. Comme si elle n'espérait pas de réponse. Question rhétorique peut-être, mais elle prit la belle brune de court. Elle n'y avait jamais réfléchi. Peut-être. Sûrement même. On s'amuse à tourner la gâchette de la liberté et on tire. Si l'on meurt, c'est que l'on s'est trop amusé, si l'on vit c'est que l'on n'est pas assez doué. Après il y a les balles à blanc qui vous touchent toujours un peu. Beaucoup parfois. Comme cette amnésie qui était apparue. Sans savoir pourquoi, sur deux âmes au milieu d'un champ, paumées. Deux âmes peut-être un peu trop volages. Peut-être un peu trop connes.
- Ouais, p't'être.
Réponse courte, mais suffisante. Elle se contenterait de ça. Car oui, la bavarde n'avait plus de mots, ne savait plus.

L'immeuble était en vue et en mauvais état. Les fenêtres brisées comme par des bombes. Les murs sales et tâchés par le temps et le sang. Les tags dits artistiques proliférant des insultes plus impressionnantes les unes que les autres. Le bâtiment n'inspirait qu'à fuir, il était le reflet de ces jeunes un peu trop cons pour le monde.
- Chienne de Terre.
- Quoi ?
- Rien.
Noire ne supportait plus cette société, ces stéréotypes, elle voulait hurler au monde. Mais elle était si faible, qu'elle ne se souvenait plus pourquoi elle le détestait, ce monde.
Entrant par un trou béant dans le mur, les deux amoureuses se trouvèrent un coin moins sale que les autres. Étalant la couverture miteuse qu'elles transportaient, elles s'allongèrent toutes deux, se tenant la main fermement mais tendrement, comme pour prouver à l'autre qu'elle avait du soutien. Dans cette situation, on a toujours besoin de soutien. Lorsque la famille manque, lorsque la nourriture manque, lorsque le toit manque, la rose demeure.

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