La vie mérite qu'on lui donne sa vie -- Petite Pêche

Tout commença avec un bruit. Un bruissement si doux que seul quelqu'un qui l'attendait l'aurait entendu. C'était le genre de petit son auquel personne ne fait attention si il est occupé, si il parle avec un quelqu'un ou tout simplement, si il ne l'espère pas. Il faut avoir l'attention suffisante pour capter cette si petite tonalité. Mais qui sait où elle peut vous mener si vous l'entendez ? Un doux clapotis peut mener à une belle source d'eau. Un faible miaulement peut vous diriger vers un compagnon blessé. Un bruissement de feuilles mortes vous met sur la piste d'une proie, d'un bon repas. C'était le dernier cas qui se produisait actuellement, dans les buissons, tout près de la source étoilée, au sein du territoire du clan des Nuages.
Griffe de Pluie avait entendu ce bruit qu'il attendait depuis plusieurs longues minutes. Il s'était réveillé à l'aube, comme à son habitude, et était sorti pour aller chasser. Il était venu près de ce point d'eau car beaucoup de prises potentielles venaient s'abreuver à cet endroit. Il s'était couché dans les buissons touffus et avait patienté, guettant chaque son, essayant de différencier au mieux les bruissements liés au vent et ceux liés aux animaux de la forêt. Puis, il l'avait entendu. Ce son qui n'était pas du au vent, mais sûrement à un animal très proche.
Le guerrier gris se mit à ramper le plus silencieusement possible. Le bruit se répéta, plus fort. L'esprit du félin s'emballa : c'était à coup sur une bête plus grosse qu'un souris. Un lapin peut être ? Ce serait une très bonne prise. Avancer, doucement, tout doucement. Sans se faire entendre. Ce n'était pas une tâche aisée avec toutes ces feuilles et ces branches. Encore un peu, un tout petit peu. Griffe de Pluie y était presque. Il avança la tête pour apercevoir son futur butin. Il vit un joli pelage roux. Roux ? Un lapin roux ? Le chasseur, dépité, se releva et s'approcha du petit chaton.
« J'ai failli te bondir dessus. J'ai cru que tu étais un lapin » dit il avec malice.

J'ai failli te bondir dessus. J'ai cru que tu étais un lapin

Je.... Excuse moi je ne voulait pas te déranger...

«Je.... Excuse moi je ne voulait pas te déranger... »

Griffe de Pluie pencha la tête, intrigué par les paroles du chaton. Avait il été méprisant ? Méchant ? Il n'en avait pas eu l'impression pourtant. Il avait parlé avec douceur et une touche d'humour. Rien de bien étrange. Il fronça les sourcils, se remit en question quelques secondes. Son étonnement fut plus grand encore quand il vit la petite commençait à s'en aller. Il la regarda, elle et son pelage roux. Et il se souvint de son histoire et de son nom : Petite Pêche. Cela faisait quelques lunes qu'il était guerrier quand tout cela était arrivé. Il se rappelait parfaitement être aller voir la mère du chaton à sa naissance. Il n'avait jamais rien vu de chats aussi petits, ni aussi fragiles. Et la maladie avait emporté la jeune reine, doucement. Une histoire triste.

Le guerrier cendré la contourna en quelques bonds et se plaça devant elle, couché contre le sol. Il voulait avoir la meilleure attitude possible avec elle. Il se souvenait que quand ses frères avaient été enlevés, il ne supportait pas qu'on le plaigne, ou que l'on soit trop gentil avec lui. Cela lui donnait l'impression d'être un moins que rien et lui enfonçait encore plus la lame de la souffrance dans son petit cœur. Donc, voulant bien faire, il décida qu'il ne serait pas comme ça avec elle. Peut être qu'il avait tort. Peut être pas. L'avenir proche, très même, le lui dirait vite.

« Je peux te demander un service ? » murmura-t-il avec une petite voix. « J'ai entendu un bruit inquiétant tout à l'heure. Et... Hum. C'est délicat à dire mais j'ai besoin d'un garde du corps ! Et comme tu es là, Petite Pêche, ce sera toi ! »

Excluant la douceur, les condoléances et les souvenirs, le félin gris foncé avait choisi l'humour, le dérisoire et le ridicule. Cet enfant avait besoin de quelqu'un. Et les chatons de son âge était trop naïf, il ne connaissait pas la mort comme elle la connaissait. Et cela creusait un fossé entre elle et les autres. C'était dur de voir un chaton si triste, qui ne semblait pas croire en la vie. Et Griffe de Pluie ne souhaitait cela à personne.

Chère maman,

Je continue de te raconter ce qui c'est passé. Il fit quelques bons et, il se planta face à moi, le ventre à terre. C'était assez drôle à voir. Ensuite, il me demanda :

« Je peux te demander un service ? » murmura-t-il avec une petite voix. « J'ai entendu un bruit inquiétant tout à l'heure. Et... Hum. C'est délicat à dire mais j'ai besoin d'un garde du corps ! Et comme tu es là, Petite Pêche, ce sera toi ! »

J'étais assez amusé de cette distraction car, cela faisait longtemps que je ne n'ai pas rigolé un peu. Je compris que, c'était pour me changer les idées. Je ne me souvenais pas de comment on fait pour jouer. Je devais avoir l'air d'une idiote à le regarder. Un silence pesant se mit entre nous. J'étais assez gêne. Après j'ai pris la parole parce que, Griffe de Plie était plutôt gentil :

«D'accord ! Je veux bien ! Allons - y !»

Je partie en tête et, je regardais avec des étoiles dans mes petits yeux ce guerrier différent des autres. Il s'en foutait que je sois seule, sans ami et sans famille. Peut etre que je pourrais être amie avec lui ?

«D'accord ! Je veux bien ! Allons - y !»

Griffe de Pluie sourit. Il était content d'avoir réussi à faire plaisir à la petite, cela lui gonflait le cœur de joie. C'était quelque chose d'important de profiter de sa jeunesse, des jeux, de la vie d'enfant. Être confronté trop tôt à la difficulté et aux exigences de l'existence vous détruisait littéralement l’insouciance de votre jeunesse. Et, comment grandir quand on sait ce que cache réellement le monde ? Quand on sait que l'on va souffrir et que ça va être dur et compliqué de vivre ? Quand le cœur des enfants devient trop vite celui d'un adulte, les conséquences sont souvent dévastatrices chez eux. Le jeune guerrier voyait un peu le reflet de sa propre enfance dans celle de Petite Pêche : las de la naïveté des autres chatons, il avait toujours préféré s'isoler un peu, attendant, avec une pointe d'impatience, que ses camarades grandissent et qu'ils comprennent enfin la dureté de la vie. Le félin gris se posait tout de même une question : la situation du chaton roux correspondait elle à celle qu'il avait vécu ou alors voulait il seulement croire que c'était le cas ? Même une fois qu'on a fait le deuil de son passé, c'est toujours rassurant de croiser une personne qui a vécu des choses identiques.

Le mâle n'eut pas le temps de pousser sa réflexion philosophique plus loin car Petite Pêche se mit à avancer. Comme promis, elle serait son garde du corps. Griffe de Pluie se mit à ses côtés, marchant à pas feutrés, les oreilles plaquées sur son crâne, comme si il craignait qu'à chaque instant, une bête monstrueuse lui bondisse dessus. Il mimait sa méfiance pour amuser la petite. Il trouvait sa position et son attitude très amusante. Le voir de l'extérieur devait être encore plus hilarant. Un grand guerrier comme lui, plaqué au sol ainsi, comme une chaton apeuré. Rien que de l'imaginer le faisait rire intérieurement. Il aimait s'amuser. Il avait appris à dédramatiser les situations, à être positif et à plaisanter dès qu'il le pouvait. Il avait construit une personnalité joviale et positive pour lutter contre ce que son mentor avait nommé sa partie sombre. Cette fraction d'ombre qu'il portait en lui et qui le poussait à se venger de ceux qui lui avaient volé ses frères et son enfance.

SCRSHHH.

Un bruit. Énorme. Qui venait de résonner à l'instant. Comme si une bête d'un poids très lourd avait marché sur le sol près d'eux. Le cœur de Griffe de Pluie se mit à battre plus fort. Il ne voyait rien d'anormal. Pourtant, quelque chose était là, pas loin. Le guerrier se rapprocha de Petite Pêche, prêt à bondir. De un, il espérait que ce n'était pas un Bipède. De deux, il souhaitait vraiment que la chose ne les ai pas vu.

« Ne t'inquiète pas »murmura-t-il« Glisse toi dans le buisson à ta gauche, tu y seras plus en sécurité ».

Le félin gris aimait d'habitude le silence de la nature. Mais pas aujourd'hui. Il le trouvait oppressant et difficilement supportable. Etait ce une bonne nouvelle cette absence de son ? Cela signifiait il que la menace s'était éloignée ? Ou alors était elle encore là, à les guetter et à attendre le meilleur moment pour les attaquer ?

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